3.19.2012

Le mystère d'une anglo-saxonne enterrée dans un lit avec une croix en or


C'est à Trumpington Meadows, dans la banlieue de Cambridge qu'a eu lieu cette extraordinaire découverte datant du 7ème siècle: elle offre un aperçu unique sur les origines de la chrétienté en Angleterre.


L'une des premières sépulture anglo-saxonnes chrétienne en Grande-Bretagne a été découverte dans un village près de Cambridge.
La tombe, d'une adolescente du milieu 7ème siècle après JC, combine deux éléments extrêmement rares: un lit funéraire et un artéfact des premiers chrétiens sous la forme d'une croix en or et grenat.
La jeune fille, âgée d'environ 16 ans, a été enterrée sur un lit ornemental (une pratique anglo-saxonne très limitée au milieu et à la fin du 7ème siècle) avec une croix pectorale chrétienne sur sa poitrine, qui avait probablement été cousue sur ses vêtements.

Façonnée en or et sertie de grenats découpés, il ne s'agit que de la cinquième croix en son genre à avoir été découverte; celle de cette tombe date des premières années de l'Église en Angleterre, probablement entre 650 et 680 de notre ère.  En 597 après JC, le pape saint Augustin envoyait en Angleterre une mission pour convertir les rois païens anglo-saxons.
L'utilisation des dernières techniques scientifiques pour analyser cette découverte exceptionnelle devrait permettre une meilleure compréhension de cette période charnière dans l'histoire britannique, et la propagation du christianisme dans l'est de l'Angleterre au cours de la période anglo-saxonne.

Était-ce une adolescente convertie au tout début du christianisme, un porte-étendard du nouveau Dieu ? "La conversion chrétienne a commencé dans les élites pour ensuite se répandre dans le peuple," explique le Dr Sam Lucy, un spécialiste du funéraire anglo-saxon de Newnham College à Cambridge.

"Pour être enterrée de façon aussi élaborée avec un artéfact aussi précieux, c'est que cette jeune fille était sans aucun doute d'un statut élevé, probablement de la noblesse ou même de la royauté. Cette croix était le genre de culture matérielle qui circulait au plus haut niveau de la société. Le meilleur exemple connu de croix pectorale est celle que l'on avait trouvé dans le cercueil de Saint-Cuthbert, aujourd'hui dans la cathédrale de Durham. Le fait que ce soit un lit funéraire est remarquable en soi, c'est le quinzième découvert au Royaume-Uni, et seulement le quatrième au cours des vingt dernières années; ajoutez à cela une croix chrétienne très bien faite et vous avez une découverte vraiment étonnante", comment Alison Dickens, qui a dirigé les fouilles de l'unité archéologique de l'Université.

Le lit se composait d'un cadre en bois maintenu ensemble par des crochets métalliques; il y avait des morceaux supplémentaires de boucles en métal pour fixer des lattes croisées afin de créer une base de lit suspendu, semblable aux lits modernes, mais avec un matelas de paille. Le corps a ensuite été placé sur le lit, qui était sans doute déjà dans la tombe.

Le Dr Richard Danse, un expert du vieil anglais à l'Université, a fait remarquer que le mot anglo-saxon «leger» peut signifier aussi bien «lit (bed)» que «tombe (grave)». Cependant, la raison pour laquelle seuls quelques individue ont été enterrés dans leurs lits reste un mystère. "Les lits funéraires n'ont jamais été très répandus, mais on constate une petite concentration autour de la région de Cambridge, une autre dans le Wessex, et un seul exemple, d'un statut très élevé, dans le Teeside", déclare le Dr Lucy. "Ces sépultures concernent principalement des femmes, et datent du milieu à la fin du 7 ème siècle. La plupart sont de rang élevé, comme l'indiquent les bijoux délicats ou l'enfouissement sous un tumulus. 
La construction de la croix de Trumpington en or et grenat tend aussi à être utilisée comme accessoire funéraire féminin, bien que le récent trésor du Staffordshire, ainsi que le bateau funéraire de Sutton Hoo, montrent que cet artéfact était également associé avec des armes de haut rang tout au long du 7 ème siècle. Il est intéressant de noter que les mêmes techniques décoratives se retrouvent à la fois dans les milieux ouvertement païens et ouvertement chrétiens."

La croix en elle-même, de 3 centimètres et demi de diamètre, est seulement la cinquième croix pectorale à avoir été découverte dans le Royaume-Uni. Les autres croix étaient des pendentifs conçus pour être accrochés à un collier, tandis que la croix de Trumpington a une boucle sur le dos de chaque bras, de sorte qu'elle pouvait être cousue directement sur les vêtements. "On peut dire, à partir de l'aspect brillant de trois de ces boucles, où elles ont frotté contre le tissu, et que cet objet était porté dans la vie quotidienne, probablement comme symbole de statut social ainsi que d'appartenance religieuse", ajoute Dickens.

Les fouilles de Trumpington Meadows, aux limites sud de la ville de Cambridge, ont mis au jour des résultats significatifs des âges néolithiques et du fer, ainsi que des artéfacts d'un lieu de vie de la période anglo-saxonne.
 La jeune fille chrétienne faisait partie d'un groupe très restreint de quatre tombes, avec un individu au sexe indéterminé, ayant la vingtaine, et deux autres femmes un peu plus jeunes. Les tombes sont considérées comme globalement contemporaine les unes avec les autres, même si l'équipe n'en est qu'au tout début de recherches.
Il va falloir dater au radiocarbone chacun des organes (pour établir la date de leur enterrement) et faire une analyse isotopique de leurs os et dents, pour déterminer à la fois leur régime alimentaire et, si possible, connaitre l'endroit où elles avaient vécu leur enfance.

L'analyse de la croix en or et grenat devrait également révéler des détails supplémentaires sur son lieu de fabrication; les grenats, au cours de cette période, ont été probablement importés de la mer Noire, voire d'Asie.
La tombe de l'adolescente contenait également d'autres éléments: un couteau en fer, une châtelaine (une chaîne accrochée à la ceinture) ainsi que quelques perles de verre qui semblent avoir été conservées dans un sac à main au bout de la chaîne.
Le textile préservé sur le couteau en fer et la chaîne offre la possibilité de reconstruire son costume funéraire. «La coutume des biens funéraires était chose courante pendant la période païenne, mais cela ne veut pas dire que les sépultures à Trumpington n'étaient pas chrétiennes», déclare le Dr Lucy.

"L'église n'a jamais émis aucune édits contre l'utilisation des biens dans les tombes, mais c'est quelque chose qui semble s'estomper au cours du 8 ème siècle, au moment où le christianisme est devenu la religion dominante. Il y a cependant, au cours de la seconde moitié du 7ème siècle, des gens clairement chrétiens qui faisaient encore usage d'une gamme limitée de produits au sein de leurs sépultures, dont le symbolisme est explicitement chrétien, telle que la croix ici. "

Le lit funéraire de Trumpington semble appartenir à cette transition entre les deux religions. Le site se trouve juste derrière l'église du village, et serait daté de 400 ans plus tard. Peut-être il y avait un monastère, voire même un couvent. C'est certainement quelque chose d'intéressant à approfondir.
Un petit nombre de structures associées à ces sépultures semblent représenter une partie d'un lieu de vie qui était utilisé au cours de cette période. Leur analyse devrait aider à déterminer la nature et la fonction de ces habitats.
L'étude initiale de la poterie a suggéré la présence de certaines importations de valeur, associées uniquement avec des centres ecclésiastiques de classe supérieure. Il pourrait même y avoir un lien possible avec la fondation du premier monastère d'Ely à peu près à la même période. St Æthelthryth (ou Etheldreda), fille du roi Anna d'Est Anglie, crée le monastère à Ely en 673 après JC.
Un cimetière découvert à Ely par le Cambrdge Archaeological Unit (CAU) en 2006 contenait également une tombe de la fin du 7ème siècle: il s'agissait d'une enfant de 10-12 ans, avec une croix délicate en pendentif; cette tombe pourrait avoir en lien avec le monastère.

Les parallèles entre ce site et celui de Trumpington sont curieux, et suggèrent une origine plus intéressante qu'à première vue pour ce village situé près de Cambridge.

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5 commentaires:

Decrolier a dit…

Une croix de cette forme n' est pas du tout un symbole chrétien.
La croix chrétienne est asymétrique le bras vertical est plus long que le bras horizontal.

Nous avons ici une croix symbolique qui existe dans toutes les traditions ésotériques de la planète entière... et l' Angleterre était un centre particulièrement actif dans ce domaine.

Ce qui vient renforcer cette hypothèse est en plus le cercle central aux croisement des bras.

Sylvain a dit…

St. Augustin n'était pas pape, mais un moine bénédictin, puis premier archevêque de Canterbury, envoyé par le pape Grégoire le Grand lors de la mission de 597.

Anonyme a dit…

La morphologie de la croix ne s'applique pas ici. La forme à laquelle vous faites référence correspond à la croix latine, autrement dit des Catholiques. La croix grecque des Orthodoxes (donc également chrétiens), possède 4 branches de même longueur et ressemble fortement à celle de cette tombe. De plus, le schisme amenant à ces deux courants du Christianisme (Catholique et Orthodoxe) remonte au IXe siècle. Or, cette découverte date du VIIe siècle.

Julie a dit…

Votre remarque ne s'applique pas ici. La croix à laquelle vous faites référence correspond à la croix latine, celle des Catholiques. Mais il existe également la croix grecque, celle des Orthodoxes (donc également chrétiens) dont les quatre branches sont de même longueur et ressemblant fortement à celle de cette tombe. De plus, le schisme amenant à ces deux courants du Christianisme remontent au IXe siècle. Or cette découverte date du VIIe siècle.

lola a dit…

Tout à fait d'accord avec vous Decrolier...vous avez vu juste !