2.23.2023

Une étude révèle que les maisons des premiers constructeurs de monuments d'Europe étaient fortifiées

Il y a plus de 6 300 ans en France, les hommes préhistoriques à l'aube de la révolution néolithique ont construit une poignée de grandes maisons en bois, entourées d'une double clôture de fortification faite de pieux en bois. Le tout était entouré d'un fossé. Au-delà de ces défenses, les traces de deux autres structures en bois ont été trouvées.

Des archéologues trouvent les maisons des premiers constructeurs de monuments d'Europe, et elles sont fortifiées 
Vue d'artiste de l'enceinte du Peu. Photo: Vincent Ard et al / CNRS France / Antiquity Publications Ltd

En fait, ce complexe fortifié du site archéologique du Peu près de Charmé, un village du sud-ouest de la France, fait partie des centaines d'enceintes érigées entre la Loire et la Dordogne il y a des milliers d'années, explique le Dr Vincent Ard du CNRS.

Il est l'auteur principal d'un article publié dans la revue Antiquity: "The emergence of monumental architecture in Atlantic Europe: a fortified fifth-millennium BC enclosure in western France" (L'émergence de l'architecture monumentale en Europe atlantique : une enceinte fortifiée du Ve millénaire av. J.-C. dans l'ouest de la France).

On ne sait pas si ces structures étaient de véritables maisons ou étaient utilisées à d'autres fins, mais Ard et son équipe pensent avoir trouvé de très rares traces de maisons appartenant aux personnes responsables de la plus ancienne construction monumentale en pierre d'Europe occidentale. 

Le Peu date de quelques siècles après que la construction monumentale en pierre à forte intensité de main-d'œuvre (mégalithes, monolithes, cercles de pierre, dolmens, etc.) ait débuté en Europe occidentale, et ait commencé apparemment en France il y a environ 6 500 ans.

Les chercheurs sont divisés quant à savoir si une telle construction monumentale en Europe est née indépendamment ou s'est propagée à partir du Proche-Orient, où des complexes de pierre d'une taille impressionnante ont commencé à apparaître il y a au moins 12 000 ans. 


Pendant des décennies, les archéologues se sont demandé comment vivaient les gens qui ont construit ces structures.

En Turquie, à Gobekli Tepe, des archéologues ont fouillé ce qui semble être les maisons en pierre des personnes qui ont construit et/ou utilisé le site il y a environ 11 000 ans. Désormais au Peu, les archéologues soupçonnent que les traces des structures en bois qu'ils ont trouvées étaient des habitations. Les archéologues ont également identifié ce qu'ils pensent être deux points de passage en forme de "pince de crabe" à travers la palissade en bois. 

Les murs en bois et les piquets de clôture ont quant à eux disparu. Il ne reste que des traces de l'emplacement des trous de poteaux, retraçant les contours des bâtiments. Peu de travaux de radiocarbone ont été effectués sur ces sites, dit Ard : mais lui et son équipe pensent que l'enceinte, les maisons et la palissade du Peu remontent environ au quatrième ou même au cinquième millénaire avant notre ère.

Le Peu est l'un des premiers des quelque 300 enclos similaires de la région, érigés entre le néolithique tardif et l'âge du bronze ancien, selon l'équipe. Ard précise que de telles structures en bois ont été construites dans la France préhistorique pendant 1 000 à 2 000 ans.

 

Une vue sur les morts

Le Peu a été construit sur une colline calcaire flanquée de vallées. Au total, les archéologues soupçonnent que l'enceinte du Peu entourait quatre bâtiments en bois et qu'il y en avait deux autres à l'extérieur. Les bâtiments étaient grands, tous de 100 à environ 110 mètres carrés de superficie. 

Sur la base des débris dans les trous de poteaux, les archéologues soupçonnent que les murs étaient en clayonnage et en torchis et que le toit était en chaume ou en écorce. Au sein de l'un des bâtiments, les archéologues pensent avoir trouvé, là encore sur la base de légères traces de trous de poteaux, une plate-forme intérieure qui aurait pu être la cuisine, ou un espace pour la nuit.

L'enceinte se trouve à seulement 2,5 kilomètres de Tusson, un cimetière préhistorique composé de cinq tumulus. D'une longueur de 139 mètres et présentant une maçonnerie magistrale, elles sont parmi les plus impressionnantes de ces caractéristiques en Europe (et révèlent également une frugalité ancienne: les constructeurs ont recyclé des pierres de tombes plus anciennes). Ces tombes n'ont pas encore été fouillées mais il soupçonne que leur proximité n'est pas une coïncidence.

 
Les tumulus de Tusson: de gauche à droite, ils sont nommés Petit Dognon, Gros Dognon et Vieux Breuil. Photo: Rosier

Au Peu, de par leur taille, ces bâtiments en bois ont pu être des habitations pour des familles élargies ; ou bien des lieux de rassemblement, d'après Ard. Cela reste à élucider.


La nouvelle étude démontre l'émergence contemporaine de constructions et d'enceintes mégalithiques au milieu du cinquième millénaire avant notre ère en Europe occidentale.

Cela démystifie ainsi la théorie selon laquelle les monuments de pierre géants (des mégalithes aux cercles de pierre en passant par les imposants dolmen) et la construction de grandes enceintes ont émergé séparément.

Ard fait remarquer que dans le centre-ouest de la France, la région du Peu, il n'y a pas de cercles de pierre: "l'usage des pierres est réservé au monde des morts. Nous n'avons aucune preuve de bâtiments en pierre ici autres que la nécropole de Tusson. Comment ces habitations en bois, si c'est ce que c'était, s'articulent avec ce que l'on sait de la construction néolithique tardive en général ? Eh bien, le peu que nous en savons ne suffit pas à suggérer des modèles clairs." D'autres études pourraient suggérer un penchant pour la domesticité communautaire dans les grandes structures, mais Ard souligne que cela pourrait être un artéfact de conservation.

"Le Peu se trouve au sommet d'un promontoire. Il n'y a pratiquement pas de sol", dit-il. S'il y avait de petites maisons ou des huttes plus fragiles, faites de matériaux périssables, elles ont disparu. En ce qui concerne les habitats prénéolithiques connus, on trouve des huttes faites de défenses de mammouth il y a 25 000 ans en Russie et des traces de huttes de roseau construites il y a 23 000 ans sur les rives de la mer de Galilée en Israël.

 

Lorsque l'on arrive au Néolithique ancien, l'habitat apparaît partout.

En Turquie, des maisons en brique crue et en bois densément peuplées datant d'au moins 9 500 ans ont été fouillées sur des sites comme Çatalhöyük; les murs en briques crues de la vallée du Jourdain en Israël ont en quelque sorte survécu il y a 7 200 ans ; et en Sibérie, des traces de bois, des restes de maisons d'acacia et de torchis ont été retrouvées peu de temps après.

Aussi, avons nous probablement des maisons anciennes au Peu, où la double palissade et le fossé construits autour des habitats suggèrent des objectifs défensifs ; en d'autres termes, les ennemis auraient dû surmonter les trois obstacles pour pénétrer à l'intérieur. Environ 300 de ces enceintes du Néolithique supérieur ont été découvertes dans ce coin de France.

Au Peu, la construction monumentale en pierre était réservée aux morts, explique Ard: les tumulus de Tusson sont visibles depuis le promontoire du Peu. Mais peut-être que les structures en bois peuvent être perçues comme une forme alternative de monumentalisme pour le monde des vivants. 

L'équipe souligne que Tusson et Le Peu semblent être contemporains, d'après la datation de bois de cerf trouvés dans des carrières néolithiques à proximité, montrant qu'ils ont étaient utilisés il y a au moins 6 600 ans. Cependant, aucune conclusion sur leur lien ne peut être tirée jusqu'à une exploration archéologique plus approfondie des lieux de sépulture néolithiques. 

 
Plans and vues des entrées de deux des constructions, protégées par des passages en "pince de crabe. CAD: V. Ard; orthophotographie and modélisation 3D: A. Laurent.Credit: Vincent Ard et al / CNRS France.

Puis, après mille ou deux mille ans, le mode de vie des grandes enceintes en bois du centre-ouest de la France a disparu, et on ne sait pas pourquoi. Ils ont probablement développé une façon différente de vivre dans le paysage, pour Ard.

L'agriculture est apparue dans le Croissant fertile, au sud-ouest de la Turquie et en Syrie, il y a environ 10 000 ans et s'est propagée à partir de là. L'agriculture et l'élevage semblent avoir atteint la France préhistorique il y a près de 8 000 ans, amenés par les premiers agriculteurs émigrés d'Anatolie ; ils auraient rencontré les chasseurs-cueilleurs d'Europe et se seraient mélangés, entraînant peut-être l'avènement de petites fermes, puis de villages. 

Ard suppose que les transitions sociales ont peut-être réduit le besoin de doubles rangées de pieux et de douves entourant la ferme. La transition du néolithique tardif au début de l'âge du bronze en Europe n'est pas bien comprise, ajoute-t-il., mais lui et son équipe ont commencé un ancien projet d'ADN qui, espèrent-ils, éclairera mieux cette période énigmatique.

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1 commentaire:

Setenta a dit…

Bonjour,
les douves et l enceinte en bois aurais t elle pu servir à protéger de possible cultures des animaux ?