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10.22.2015

Un peu d'ADN de blé pour réécrire une partie de la Préhistoire de la Grande-Bretagne

Des découvertes archéologiques remarquables devraient complètement réécrire un élément clé de la préhistoire de la Grande-Bretagne. En effet, des tests scientifiques suggèrent qu'un aspect majeur de la révolution agricole du Néolithique pourrait avoir atteint la Grande-Bretagne 2000 ans plus tôt qu'on ne le pensait.
Plongeur sur le site de Bouldnor Cliff  dans le Solent près de l'Île de Wight où l'échantillon de vase contenant l'ADN d'engrain a été trouvé. The Maritime Archaeology Trust/Roland Brookes

L'étude, menée par des scientifiques des universités de Bradford, Birmingham et Warwick, a révélé que le blé, probablement déjà moulu en farine, était utilisé sur un site du Mésolithique aux alentours de 6000 avant JC.

La découverte est susceptible d'être considérée avec une certaine méfiance par beaucoup d'archéologues car cela change complètement la vision généralement acceptée de ce qui se passait en Grande-Bretagne (et en fait dans la plupart de l'Europe de l'ouest) au cours des périodes pré-Néolithiques.

Les espèces de blé domestiqué, une ancienne variété de petit épeautre (ou engrain), ont été identifiées par les scientifiques de l'Université de Warwick grâce à des analyses ADN.

Bien qu'aucun grain de ce blé n'a été trouvé, une petite zone intense en ADN de petit épeautre a été détectée lorsque des généticiens analysaient des échantillons de sédiment rapportés par des archéologues d'un site Mésolithique sous-marin, dans le Solent (bras de mer qui sépare l'Île de Wight de l'Angleterre).

La zone était à sec il y a 6000 ans, mais en 30 ou 40 ans, elle a été inondée par la mer à la suite de la fonte de l'Arctique et d'autres glaciers après la fin de l'âge de glace.

L'ADN du petit épeautre, à partir d'une quantité substantielle de céréale, probablement sous forme de farine, a été découvert par les archéologues du Maritime Archaeology Trust dans une couche de sédiment enterrée sous plusieurs mètres de fond marin. Des matériaux associés (principalement des fragments de bois) ont été datés au radiocarbone (selon la technique de datation bayésienne) entre 6010 avant JC et 5960 avant JC.

The Maritime Archaeology Trust/Roland Brookes

La localisation du site submergé est potentiellement très importante, car il n'y a pas d'autres indications d'influence Néolithique au nord-ouest de l'Europe, du moins pas avant 5300 avant JC environ.

En Grande-Bretagne même, il n'y a pas de trace de culture du Néolithique jusqu'à environ 4100 avant JC. Cependant, des milliers de km² de terre du Mésolithique, à la fois sur les parties des plateaux continentaux actuels d'Europe et de Grande-Bretagne, ont été inondés par la mer entre 6000 et 4000 avant JC; ainsi, il est possible que des développements culturels s'y soient produits avant ceux ayant eu lieu sur la terre ferme.

Pour les archéologues ayant mené l'étude, la façon dont l'engrain est arrivé jusqu'à l'île de Wight est un indice clé. L'endroit le plus proche connu pour avoir produit du petit épeautre en 6000 avant JC est le sud de l'Italie; le sud de la France et l'est de l'Espagne auraient commencé à en produire à partir de5900 avant JC.

La grande question est donc de savoir si le petit épeautre a été apporté via la mer de l'une de ces grandes zones et ensuite broyé pour être utilisé sur l'Île de Wight, ou bien s'il a poussé sur ou près de l'Ile de Wight après que des graines aient été rapportées de France, d'Espagne ou d'Italie.

Quel que soit le scénario correct, la découverte suggère une degré de mobilité maritime au Mésolithique plutôt inattendu (tout comme l'origine des pratiques agricoles du Néolithique)... que les données archéologiques n'avaient pas permis de révéler jusqu'ici.

Si les zones côtières actuellement inondées autour de l'Europe continentale et de la Grande-Bretagne abritaient réellement des sociétés Mésolithiques plus développées technologiquement et plus mobiles géographiquement que celles situées à l'intérieur des terres, alors il devrait y avoir d'autres différences sur le site de l'Île de Wight en plus de celle du blé.

Les archéologues travaillant sur le site ont trouvé un large éventail d'outils en silex, dont certains de style néolithique, ainsi que dix pièces de bois fendus, dont trois l'ont été d'une manière que l'on ne verra pas avant le néolithique.
Les archéologues pensent que le site devait être un campement de construction de bateau du mésolithique, peut-être le plus ancien site de ce genre au monde.

Ils ont trouvé des traces de travail du bois, de cuisine et de fabrication d'outils en silex. Ils ont aussi découvert des morceaux de corde du mésolithique, un os d'auroch et de l'ADN de chien (ou de loup) et de bétail (peut-être un auroch géant). "L'utilisation, ou l'introduction, de graines de céréales en Grande-Bretagne, semble être un processus beaucoup plus long et complexe que ce que l'on imaginait", estime l'archéologue Vince Gaffney, de l'Université de Bradford.

 "La capacité des scientifiques à analyser le matériel génétique découvert profondément enfoui dans les sédiments marins va ouvrir un tout nouveau chapitre dans l'étude de la préhistoire Européenne et Britannique. C'est une méthode unique pour explorer et comprendre ce qui se déroulait dans les immenses étendues des terres préhistoriques perdues après la montée des eaux à la fin du dernier âge de glace." ajoute l'archéologue Gaffney Garry Momber, directeur du Maritime Archaeology Trust, "c'est l'une des plus riches collections de bois travaillé du pré-Néolithique jamais trouvées ailleurs en Grande-Bretagne ou en Europe. Actuellement, nous n'étudions qu'un infime pourcentage du matériel sous-marin en érosion constante. Mais, si nous arrivons à faire d'autres découvertes, nous pourrons récupérer et analyser bien plus sur ce site unique".

Relecture par Marion Juglin
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