Comment le changement climatique affecte-t-il l'organisation humaine ? Comment a-t-il façonné le cours de l'évolution humaine ? Une équipe internationale de scientifiques, dont des chercheurs de l'Université de Montréal, estime que la clé pour répondre à ces questions est d'accorder une plus grande attention aux vestiges archéologiques.
L'archéologie, affirment-ils, peut contribuer à combler le fossé entre les processus naturels et sociaux, offrant ainsi un schéma pour des modèles intégratifs qui explorent l'impact du changement climatique sur les systèmes humains.
Dans un article publié dans Nature Communications, les chercheurs soutiennent que, bien que les systèmes culturels jouent un rôle important dans la formation des interactions entre les humains et l'environnement, ils sont mal intégrés dans les modèles analytiques (dits modèles des systèmes terrestres) utilisés aujourd'hui par les climatologues.
Pour bien étudier l'interaction des processus naturels et anthropiques avec les changements climatiques, les scientifiques suggèrent d'utiliser des concepts issus de la climatologie et de l'anthropologie évolutionniste pour se concentrer sur la manière dont les transformations des paysages induites par le climat modifient la structure des sociétés humaines.
L'impact de ces transformations environnementales sur les populations se fait sentir à plusieurs niveaux : évolution démographique, réorganisation des réseaux sociaux et, ultimement, changement culturel, affirment les scientifiques.
Dirigé par l'anthropologue Ariane Burke de l'UdeM, ce nouvel article est co-écrit par une équipe de neuf archéologues, anthropologues physiques, géographes et géologues basés aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne et en France, dont les professeurs Timothée Poisot et Michelle Drapeau de l'UdeM.
"Nous proposons un flux de travail pour les modélisateurs, leur permettant d'intégrer les systèmes humains aux modèles de systèmes terrestres", explique Burke, qui dirige le Groupe de recherche sur la dispersion des hominidés et le Laboratoire d'écomorphologie et de paléoanthropologie de l'UdeM.
"Nous utilisons des données environnementales et archéologiques pour créer des modèles d'habitats propices, aussi appelés modèles de distribution des espèces, qui décrivent la structure du paysage au sein duquel les groupes humains ont interagi entre eux et avec l'environnement par le passé", explique-t-elle.
"Nous utilisons ensuite la théorie de l'évolution culturelle pour prédire les schémas de changement culturel, lesquels peuvent être testés à l'aide des données archéologiques. Cela nous permet d'étudier l'impact des changements climatiques passés sur l'évolution culturelle grâce à une approche paysagère", précise-t-elle, "La prochaine étape consistera à utiliser des informations qualitatives plus détaillées sur le comportement humain, issues de données archéologiques, historiques et ethnographiques, afin de produire des modèles plus complets des interactions homme-environnement dans un contexte de changement climatique."
Tout au long de l'histoire, soulignent les chercheurs, des peuples de différentes cultures ont trouvé des moyens de s'adapter, avec plus ou moins de succès, au changement climatique, par exemple en modifiant les ressources à exploiter ou les cultures à cultiver.
L'archéologie du changement climatique, un domaine émergent de la science du climat, utilise les données de fouilles pour étudier les interactions entre les humains et leur environnement lors d'événements climatiques passés, tels que le réchauffement soudain qui a suivi la dernière période glaciaire, il y a plus de 10 000 ans.
Burke et ses collègues cherchent à identifier les points de bascule dans l'histoire du climat qui ont pu inciter les populations à réorganiser leurs sociétés pour survivre. À cet égard, la diversité culturelle, source de résilience humaine par le passé, est tout aussi importante aujourd'hui qu'un rempart contre le réchauffement climatique, affirment-ils.
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