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3.14.2020

Une nouvelle étude démystifie le mythe de la civilisation amérindienne perdue de Cahokia

À son apogée dans les années 1100, Cahokia, située dans ce qui est aujourd'hui le sud de l'Illinois, était le centre de la culture mississippienne et abritait des dizaines de milliers d'amérindiens qui cultivaient, pêchaient, faisaient du commerce et construisaient des monticules rituels géants.

Une nouvelle étude démystifie le mythe de la civilisation amérindienne perdue de Cahokia
Image de Cahokia Mounds Historic State Site. Peinture de William R. Iseminger.

Dans les années 1400, la cité avait été abandonnée en raison des inondations, des sécheresses, de la rareté des ressources et d'autres facteurs de dépeuplement. Mais, contrairement aux notions romancées de la civilisation perdue de Cahokia, l'exode a été de courte durée, d'après une nouvelle étude de l'UC Berkeley.

L'étude reprend le «mythe de l'Indien en voie de disparition» qui favorise le déclin et la disparition plutôt que la résilience et la persistance des amérindiens, a déclaré l'auteur principal A.J. White, un doctorant en anthropologie de l'UC Berkeley.

"On pourrait penser que la région de Cahokia était une ville fantôme au moment du contact avec les européen, sur la base des archives archéologiques" dit White, "cependant, nous avons pu reconstituer une présence des natifs américains dans la la région qui a persisté pendant des siècles".

L'archéologue de l'UC Berkeley, A.J. White, creusant des sédiments pour chercher d'anciens stanols fécaux. (Photo: Danielle McDonald)

Ces découvertes, publiées dans le journal American Antiquity, font valoir qu'une nouvelle vague d'amérindiens a repeuplé la région dans les années 1500 et y a maintenu une présence constante tout au long des années 1700, lorsque les migrations, la guerre, les maladies et les changements environnementaux ont entraîné une réduction de la population locale.


Des pollens fossiles, des restes d'anciens excréments et des charbons de bois ont été analysés


White et ses collègues chercheurs de l'Université d'état de Californie, Long Beach, de l'Université du Wisconsin-Madison et de l'Université Northeastern, ont analysé des pollens fossiles, les restes d'anciens excréments, des charbons de bois et d'autres indices pour reconstruire le style de vie post-mississippien.

Leurs preuves brossent un tableau de communautés construites autour de la culture du maïs, de la chasse au bison et peut-être même du brûlage contrôlé dans les prairies, ce qui est conforme aux pratiques d'un réseau de tribus connu sous le nom de Confédération de l'Illinois.

Carte de la culture mississippienne et des cultures associées. Carte de Herb Roe

Contrairement aux mississippiens qui étaient fermement enracinés dans la métropole de Cahokia, les membres de la tribu de la Confédération de l'Illinois ont erré plus loin, entretenant de petites fermes et jardins, chassant le gibier et se séparant en petits groupes lorsque les ressources se sont raréfiées.

Le pivot qui rassemble les preuves de leur présence dans la région était des «stanols fécaux» dérivés de déchets humains conservés profondément dans les sédiments sous le lac Horseshoe, le principal bassin versant de Cahokia. Les stanols fécaux sont des molécules organiques microscopiques produites dans notre intestin lorsque nous digérons les aliments, en particulier la viande. Ils sont excrétés dans nos excréments et peuvent être conservés dans des couches de sédiments pendant des centaines, voire des milliers d'années.

Comme les humains produisent des stanols fécaux en bien plus grandes quantités que les animaux, leurs niveaux peuvent être utilisés pour évaluer les changements majeurs dans la population d'une région.

Pour recueillir les preuves, White et ses collègues ont pagayé dans le lac Horseshoe, qui est adjacent au site historique de Cahokia Mounds, et ont déterré des carottes de boue à environ 3 mètres sous le lit du lac.


En mesurant les concentrations de stanols fécaux, ils ont pu mesurer les changements de population depuis la période du mississippien jusqu'au contact avec les européens.


Les données sur le stanol fécal ont également été mesurées dans la première étude de White sur les changements démographiques de la période mississippienne de Cahokia, publiée l'année dernière. Il a constaté que le changement climatique sous la forme d’inondations et de sécheresses consécutives jouait un rôle clé dans l’exode des habitants mississippien à Cahokia.

Mais alors que de nombreuses études se sont concentrées sur les raisons du déclin de Cahokia, peu se sont penchées sur la région après l'exode des mississippiens, dont la culture devrait s'étendre à travers le Midwest, le sud-est et l'est des États-Unis de 700 après JC jusqu'aux années 1500.

La dernière étude de White visait à combler ces lacunes dans l'histoire de la région de Cahokia: "Il y a très peu de preuves archéologiques pour une population indigène après Cahokia, mais nous avons pu combler les lacunes grâce à des données historiques, climatiques et écologiques, et le pivot a été la preuve fournie par le stanol fécal".

Dans l'ensemble, les résultats suggèrent que le déclin du Mississippien n'a pas marqué la fin d'une présence amérindienne dans la région de Cahokia, mais révèle plutôt une série complexe de migrations, de guerres et de changements écologiques dans les années 1500 et 1600, avant l'arrivée des européens.

"L'histoire de Cahokia était beaucoup plus complexe que, "Au revoir, les Amérindiens. Bonjour, Européens", et notre étude utilise des preuves innovantes et inhabituelles pour le prouver", a déclaré White.


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3.25.2016

Le Tumulus des Moines de Cahokia aurait été construit en seulement 20 ans

Il faisait dix étages de haut et sa base était plus grande que celle de l'Empire State Building. Il y a presque un millier d'années, c'était la pièce maîtresse de la plus grande cité du continent au nord du Mexique.

Vue aérienne du Tumulus des Moines


Aujourd'hui, une étude pour déterminer comment les ingénieurs natifs ont construit le Tumulus des Moines, la plus grande structure en terre préhistorique d'Amérique du Nord, a révélé de nouveaux indices d'une importance cruciale: les graines et spores des anciennes plantes.

Les chercheurs étudiant la plate-forme géante du tumulus au cœur de la cité de Cahokia ont observé sa structure interne de très près. Leurs nouvelles découvertes suggèrent que cette énorme structure en terre a été construite étonnamment vite. "Le Tumulus des Moines est une architecture en terre incroyablement complexe" rapporte le Dr Timothy Schilling, co-auteur de l'étude, "Que l'on appelle cela de l’ingénierie ou non, les constructeurs maîtrisaient particulièrement bien leurs matériels. Nous avons observé d'importantes réparations effectuées sur le monticule, et celles-ci ont été refaites de manière très efficace."

A son apogée, entre 1050 et 1100 de l'Ere Commune, Cahokia abritait quelque 15000 personnes, et le Tumulus des Moines fut construit en son centre symbolique: une imposante série de terrasses rectangulaires, surmontées d'un grand bâtiment public, peut-être un temple.

Vue d'artiste du centre de Cahokia à son apogée (Peinture de L. K. Townsend/Cahokia Mounds State Historic Site)


Des investigations sur la façon dont le tumulus a été construit avaient été faites dans les années 60, lorsque des chercheurs forèrent neuf carottes et, se basant sur les couches observées, supposèrent qu'il fut construit en 14 étapes sur une période de 250 ans. Cela semblait plausible à l'époque, vu que le monticule avait été bâti entièrement à la main. On pensait que les ouvriers avaient chargé des paniers de terre, provenant de bancs d'emprunt, pour former une pyramide à sommet plat, haute de 30 mètres; tout cela sans roues, ni outils en métaux, ni bêtes de somme.


Mais, lorsque les pentes du Tumulus des Moines ont commencé à s'effondrer en 2005, Schilling et le Dr Neal Lopinot du Missouri State University, qui ont mené la nouvelle étude, ont profité des réparations à effectuer pour collecter 22 échantillons d'une face exposée de l'intérieur du monticule.

Leur objectif était d'étudier les sédiments utilisés pour construire l'ouvrage provenant de la plaine inondable environnante. Ces échantillons étaient remplis de minuscules plantes qui pouvaient révéler d'où provenait la boue, et combien de temps s'était écoulé avant qu'elle ne soit emmenée pour la construction.

"Nous avons décidé de chercher du matériel végétal, car des informations peuvent être obtenues à partir des sédiments, en particulier sur l'environnement" explique Schilling, "nous espérions comprendre la source des sédiments du tumulus".

A l'aide de microscopes électroniques et optiques, Lopinot a étudié les échantillons et découvert des restes de végétaux suggérant que la terre du Tumulus des Moines n'était pas restée non perturbée pendant très longtemps. Ainsi, à l'exception des plantes utilisées comme nourriture, toutes les graines découvertes étaient des plantes annuelles (des plantes qui ne vivent qu'un an), y compris les espèces des zones humides comme l'isoète et l'éléocharide.

L'absence de plantes vivaces, qui vivent deux ans ou plus, suggère que les bancs d'emprunt utilisés pour la construction étaient fréquemment perturbés. "S'il y avait eu un laps de temps considérable entre les différentes utilisations des bancs d'emprunt, nous aurions un profil environnemental différent, avec plus de plantes vivaces plutôt que des plantes annuelles" rapporte Schilling, "en conséquence, nous pensons que l'activité dans les bancs d'emprunt ne s'est jamais arrêtée suffisamment longtemps pour que les plantes vivaces puissent s'y établir. La construction a été relativement continue sans de longues interruptions"

Ces informations supportent l'hypothèse selon laquelle le Tumulus des Moines a été construit sur une période de temps relativement courte, c'est-à-dire quelques dizaines d'années, et non par intermittence sur 250 ans comme on le pensait auparavant.

En outre, les graines qui ont été trouvées étaient toutes non carbonisées, ou non brûlées; cela aussi pourrait suggérer que la terre enlevée a été rapidement mise en place. Dans les endroits où la terre n'est pas perturbée, les archéologues trouvent souvent des végétaux brûlés, signe d'activité humaine (comme les foyers ou la nourriture cuite). "Les archéobotanistes cherchent les restes de végétaux carbonisés sur les sites archéologiques, car il y a un grand degré de certitude que ces restes soient associés à des activités humaines" ajoute Schilling.

Travaux de réparation menés sur une face inclinée du tumulus en 2007. (Courtesy Washington University)

En plus de ces découvertes, les chercheurs ont trouvé un autre aspect frappant sur la construction du Tumulus des Moines: des parties semblent avoir été construites avec des blocs entiers de tourbe, plutôt que des paniers de terre: "Ils ont découpé des blocs de tourbe qu'ils ont renversé et empilé comme des briques" rapporte Lopinot.

Tous ces éléments pris ensemble suggèrent que le Tumulus des Moines a été construit rapidement et avec efficacité. Plutôt que de prendre deux siècles ou plus, la plus grande construction en terre du continent a été bâtie en un dixième de ce temps. Tout en mettant en garde que leur recherche ne fournit pas l' "âge absolu" de la construction du monticule, Schilling note que "les données ne contredisent pas une chronologie très courte. A mon avis, 20 ans est bon chiffre".

Les indices microscopiques révélés par leur recherche pourraient ainsi mener à une nouvelle compréhension de l'un des monuments préhistoriques les plus impressionnants d'Amérique.

Alors que la construction du Tumulus des Moines a dû être bien plus rapide que ce que l'on croyait, cela reste un effort herculéen qui éclipse les réparations d'urgence high-tech dont les scientifiques ont été témoins en 2005. "Bien que nous ayons fait la meilleure réparation possible, cela semble tenir encore aujourd'hui, les mississippiens ont pu réparer le tumulus et le faire tenir pendant 1000 ans".

Relecture par Marion Juglin

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7.03.2015

Etat-Unis: Cahokia était une cité étonnamment diversifiée

Qu'ils soient morts de causes naturelles ou pour des offrandes sacrificielles, les habitants de la plus grande ville préhistorique d'Amérique, Cahokia, étaient très diversifiés.

Il y avait au moins un tiers de la population qui venait de communautés situées à des centaines de kilomètres, selon une nouvelle étude des anciennes tombes de la ville.

L'analyse des restes des fosses communes, comme le Monticule 72, a révélé à peu près le même rapport de Cahokiens et d'immigrants (Photo: St. Louis Community College)

Surnommée par les archéologues, Cahokia, la cité se situait près de la ville actuelle de St Louis, dans la bande de plaine inondable du fleuve Mississippi appelée "American Bottom".

A son apogée, il y a 900 ans, c'était la métropole d'une civilisation tentaculaire, dont l'influence sociale, économique et religieuse allait de la région des Grands Lac au Golfe du Mexique.

Au milieu du 12ème siècle, les archéologues estiment que Cahokia et ses villages périphériques n'abritaient pas moins de 50000 personnes, vivant dans des habitats faits de chaume et de poteaux et regroupés autour de places. Des monticules de terre, sur lesquels étaient construits des bâtiments cérémoniels, parsemaient le paysage.

La dynamique culturelle d'une société aussi grande et complexe pose de nombreuses questions aux archéologues, comme les relations qu'il pouvait y avoir entre le noyau urbain de Cahokia et ses communautés éloignées.

Et puis il y a les fosses communes de la ville: des dizaines de tombes ont été découvertes dans et autour de Cahokia. Certaines contenaient des corps soigneusement disposés en lignes, d'autres ne recelaient que quelques riches ornements.

Au moins une inhumation a été trouvée avec les restes de plus de 5 personnes, la plupart étant des jeunes femmes, victimes semble-t-il d'un sacrifice rituel.

Pour mieux comprendre cette culture, Philip Slater, doctorant à l'Université de l'Illinois, et ses collègues ont entrepris d'étudier les morts de Cahokia sous l'angle de la chimie, dans l'idée de déterminer d'où ils provenaient: "Notre premier objectif de recherche était d'examiner la répartition des habitants de Cahokia provenant des régions extérieures à l' "American Bottom" " explique Slater, "les chercheurs ont longuement débattu sur l'origine de l'importante population estimée de Cahokia, certains plaidant pour une fusion des communautés locales déjà présentes, et d'autres pour un afflux de nouvelles personnes provenant de régions éloignées comme la Côte du Golfe ou la régions des Grands Lacs."

"Alors que certains spécialistes estiment que Cahokia n'a pu avoir une population aussi massive qu'avec un afflux constant d'immigrants, ajoute Slater, des preuves empiriques directes pour supporter cette théorie n'avaient pas été trouvées jusqu'à présent".

C'est dans les dents humaines, provenant de différentes tombes de Cahokia, que l'équipe de Slater a trouvé les preuves. Les dents provenaient aussi bien d'individus morts de cause naturelle que des fosses communes inhabituelles du monticule 72.

A travers l'analyse, les chercheurs ont pu découvrir où les gens enterrés dans la cité étaient nés, où ils avaient grandi et où ils avaient passé leur vie adulte.

Pour ce faire, l'équipe de Slater a utilisé la méthode d'analyse des isotopes du strontium. Le strontium est un élément que l'on retrouve aussi bien dans le sol que dans les plantes et les tissus animaux, avec différentes variations, ou isotopes, dont les ratios sont uniques à chaque région.

Lorsque les hommes mangent des plantes, ou que des animaux mangent des plantes, la signature du niveau de strontium de la région est stockée dans leurs dents et leurs os. De plus, les dents se formant avec l'âge, les scientifiques peuvent les utiliser pour cartographier efficacement les allées et venues d'une personne tout au long de sa vie.

Les dents qui se forment pendant l'enfance, par exemple, comme les premières molaires permanentes, révèleront le lieu de naissance d'une personne, alors que celles qui se forment au début de l'adolescence, comme les troisièmes molaires, porteront les traces chimiques de leur habitat pendant leur adolescence.

A l'aide de cette technique, l'équipe de Slater a analysé 133 dents de 87 personnes, trouvées dans 13 contextes funéraires différents sur le site. Les résultats ont montré que 38 dents, soit 29% environ, avaient des ratios de strontium provenant de l'extérieur du rayonnement local; ces personnes étaient donc nées et avant grandies ailleurs avant de migrer vers Cahokia une fois adultes.

"Le plus significatifs, dans nos découvertes, est le fait que la population de Cahokia provienne de différents endroits, aussi bien de la plaine du Mississippi que de plus loin" rapporte Slater. De plus, cette diversité se retrouvait aussi dans les fosses communes de la ville, avec des variations cependant.

Parmi les échantillons de la fosse commune du Monticule 72, par exemple, environ 21%, soit 7 sur 33 individus analysés se sont révélés être des immigrants, un peu moins que dans le reste de la population analysée.
Les résultats ont été plus surprenants sur la fosse commune la plus connue, avec plus de 50 victimes apparemment sacrifiées. Seulement 2 des 17 échantillons proviennent de Cahokiens de souche. D'après Slater, "les interprétations initiales de cette fosse suggéraient que ces individus représentaient un tribu de localités voisines. Étaient-ils venus ou "offert" volontairement ? Dans quels buts ces gens étaient sacrifiés ? Ce sont des questions qui se posent au fur et à mesure que nous avançons dans ce projet de recherche."

Vue d'artiste du centre de Cahokia aux alentours de 1150  (Cahokia Mounds Museum Society/Art Grossman)

La signification de la découverte d'une majorité de Cahokiens dans les fosses communes de la ville était "une question que nous nous sommes toujours posée. Le fait que des individus locaux et non locaux, hommes et femmes dans les mêmes proportions, se retrouvent dans plusieurs contextes signifie qu'ils faisaient partie intégrante de la communauté" ajoute Slater, "en se basant sur les différents contextes funéraires que nous avons échantillonnés, il ne semble pas que des individus non locaux aient été traités comme des étrangers lorsqu'ils sont morts"

Un autre résultat surprenant dans l'étude du monticule funéraire, vient d'une femme trouvée sous un homme dont les restes étaient ornés d'une somptueuse couverture fabriquée à partir de perles de coquillage. Dans ce cas, les plus anciennes dents de la femme, celles qui se sont formées au cours de son enfance, avaient des niveaux de strontium correspondant à l'environnement de Cahokia. Mais ses dents adultes montrent qu'elle a passé ses dernières années ailleurs, avant d'être enterrée sur sa terre native.

"Peut-être que cette personne est née à Cahokia mais elle a été emmenée ailleurs avant de revenir à la fin de son adolescence ou au cours de sa vie adulte" suppose Slater, "cela confirme des liens entre des communautés éloignées, peut-être à travers le mariage".

Cependant, Slater et son équipe soulignent que l'objectif de l'étude n'était pas de spéculer sur la démographie des fosses communes de Cahokia, même si elles contenaient des victimes sacrificielles ou des élites locales. Au contraire, c'était pour mieux comprendre les dynamiques de la population de l'une des cités les plus curieuses de l'Amérique du Nord.

Cahokia était composée d'un mélange homogène de personnes différentes qui se sont côtoyées. Cela a dû entrainer la gestion de différents systèmes culturels, sociaux, politique et familiaux; et cela a dû contribuer à l'énorme diversité sociale et matérielle du site dans son ensemble.

Relecture par Marion Juglin
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3.24.2015

Une chaussée cérémonielle centrale découverte à Cahokia

Après 85 années d'études et de spéculations, de récentes fouilles ont confirmé la présence d'une route cérémonielle traversant le cœur de Cahokia, la plus grande cité préhistorique au nord du Mexique.

Cette large route surélevée, qui devait être une chaussée, s'étend au moins sur un kilomètre à travers le centre de l'ancienne cité qui se situe juste à l'est de la ville actuelle de Saint-Louis.

Vue d'artiste du centre de Cahokia à son apogée (Painting by L. K. Townsend/Cahokia Mounds State Historic Site)

Alors que l'existence d'une telle route a fait l'objet de débats et conjectures depuis les années 1920, les fouilles ont finalement confirmé sa présence. Pour le Dr Sarah Baires, de l'Université de l'Illinois, cela pourrait changer notre compréhension de cette métropole Mississippienne: "c'est une recherche passionnante car j'ai documenté et confirmé l'existence d'une construction en terre d'un kilomètre de long, ce qui n'a jamais été fait auparavant. C'est un nouveau monument à Cahokia et il oriente l'ensemble du plan urbain."

La route, surnommée "Rattlesnake Causeway" (chaussée serpent à sonnette), est un remblai surélevé d'environ 18 mètres de large qui s'étend du Grand Plaza de Cahokia sud à travers le centre de la ville, et finit au milieu de la structure funéraire connue sous le nom Rattlesnake Mound.

Les archéologues avaient bien détecté des traces de cette structure en 1927, mais des enquêtes ultérieures avaient soulevé des questions, à savoir s'il cela était d'origine humaine ou naturelle.

Mais, en été 2011, un chantier école de l'Université de l'Illinois, sous la direction de Baires et du Dr Timothy Pauketat, ont repris l'étude de la structure. Et, l'année suivante, Baires commença à creuser et fouiller des sections de plus de 8 mètres de large et 2 mètres de profondeurs aux extrémités nord et sud.

Plan de Cahokia fait en 2011 avec l'utilisation de Lidar. On voit les traces de la chaussée reliant le nord depuis Rattlesnake Mound (LiDAR imaging courtesy of the Illinois State Archaeological Survey)

Les fouilles à l'extrémité sud ont révélé des couches distinctes de remblais de terre, déposées avec une technique vue dans de nombreux autres monuments de terre de Cahokia. D'après Baires: "cette méthode de construction est visible dans les autres monticules bâtis pas les Cahokiens. Ils utilisaient de nombreuses manières différentes pour transporter la terre, mais une en particulier consistait à prendre des paniers, les remplir de terre et les déverser les uns au-dessus des autres jusqu'à créer la structure."

Les fouilles ont aussi révélé quelques fragments importants de matériel datable: poterie et charbon.
Les tessons de poterie portent les signes d'une technique de trempe qui était courante entre le milieu du 11ème siècle jusqu'à environ 1100 après l'Ere Commune, rapporte Baires, et un échantillon de charbon a donné une datation remontant à peu près à la même période.
Cela place la construction de la chaussée Rattlesnake à environ la même époque que la période "Big Bang": une période commençant aux alentours de 1500, lorsque Cahokia était soudain en plein développement, se transformant d'un simple village en une métropole bourgeonnante jusqu'à 10000 personnes, en quelques décennies.

"En se basant sur le contexte de la structure en terre et la présence de "shell-tempered" (coquilles trempées ?), une ancienne forme de poterie, je pense que la date de construction est plutôt plus ancienne que tardive" ajoute Baires, "pourquoi, sinon, les Cahokiens auraient construit cette structure en terre d'un kilomètre de long après avoir bâti tout le reste ? Pour moi, cela est plus logique qu'il s'agisse d'une partie fondamentale dans le paysage de Cahokia"

Un élément confortant  la thèse que la route était une pièce centrale, symboliquement et littéralement, de la cité est, selon Blaires, qu'elle est alignée de 5° à l'est du nord. Cela forme ainsi un axe central autour duquel semble avoir été construit tout le reste.

Depuis les années 1950, les archéologues ont remarqué que les plus grands monticules, places et habitations de la cité sont tous orientés sur cet alignement de 5°. Mais la découverte de la route semble indiquer qu'elle marquait cet axe central.

Une précédente étude avait suggéré que les constructions de Cahokia étaient alignées sur les évènements célestes, comme la position lunaire lorsque celle-ci est à son point le plus méridional dans le ciel. Cet évènement survient tous les 18.6 ans, et, depuis la Grand Plaza de Cahokia, cela est visible au-dessus des falaises de Rattlesnake Mound, où se termine la route.

Bien que la signification de cet évènement astronomique, pour les anciens Cahokiens, reste incertaine, Baires fait remarquer que le lien étroit entre la route et les principaux monticules funéraires de la cité, est une clé pour comprendre son but.

Rattlesnake Mound, par exemple, est l'un des deux seuls monticules situés au sommet d'une crête, dans le centre de Cahokia, et est le second plus grand tertre funéraire. Les fouilles de 1930 avaient révélé plus de 140 inhumations.

Et, à mi-chemin le long de la route se trouve le monticule 72, lieu de centaines inhumations, dont des fosses communes de victimes sacrificielles et les restes d'un homme orné de coquilles (la Tombe Perlée).

Ces relations spatiales suggèrent que la chaussée Rattlesnake avait servi comme sorte de conduit entre le domaine des vivants et celui des morts. D'après Baires: "cette chaussée relie le second plus grand tertre funéraire du site avec l'enceinte centrale de la cité, et oriente l'organisation de l'ensemble de Cahokia. Elle est aussi liée aux monticules funéraires, soulignant l'importance de la mort et du funéraire à Cahokia".

Mais, il reste encore beaucoup de questions sur la forme et la fonction de cette structure nouvellement découverte et Baires entend retourner sur le site lors des prochaines saisons de fouilles pour approfondir son étude.

Relecture par Marion Juglin
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6.11.2013

Cahokia: de nouveaux indices sur la civilisation du Mississippi

À son apogée, Cahokia était l'épicentre de l'ancienne civilisation du Mississippi dans l'Illinois.

Avec une population de 20.000 habitants en 1250, Cahokia était plus grande que Londres à la même époque.

 Le tumulus des Moines à Cahokia. Credit wikimedia commons

Aujourd'hui, un groupe d'archéologues de l'Université de Bologne en Italie fouille les monticules, en essayant de comprendre comment les civilisations développent leur complexité politique.

"Je me suis toujours posé des questions sur ce lieu étrange qu'est Cahokia", a déclaré Davide Domenici, professeur à l'Université de Bologne. Il a étudié les monticules pendant ces trois dernières années.

"Habituellement, nous, archéologues, pensons que dans l'ancienne Amérique du Nord, il n'y avait que des sociétés relativement simples, mais Cahokia possédait une véritable complexité politique." ajoute-t-il.

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(j'ouvre une parenthèse dans cet article: c'est la deuxième fois que l'on s'étonne de l'avancement de ces sociétés amérindiennes; il a quelques semaine je publiais un article sur Poverty Point où de grands monticules avaient été construits en moins de 90 jours par les amérindiens; les archéologues parlaient "d'un accomplissement incroyable pour ce que l’on croyait être une société mal organisée, composée de petites bandes dispersées d'amérindiens... ")
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Les archéologues font attention à la façon dont ils parlent du contexte social de Cahokia.
Peu d'indications sur le site permettent aux chercheurs de classer la structure politique et sociale de la ville avec un quelconque degré de certitude: "Pouvons-nous appeler cela un Etat, ou une chefferie ? Nous ne savons pas comment l'appeler, nous ne savons pas ce que c'était", explique Domenici, "mais l'idée est d'étudier cette complexité, et peut-être les chemins menant à celle-ci car ils devaient être très différents de ceux que nous sommes habitués à voir dans d'autres parties du monde."

C'est à Cahokia que l'on retrouve les plus grands exemples de terrassement au nord du Mexique, où Domenici a déjà fait beaucoup de ses recherches.

A sa base, le tumulus des Moines, haut de 100 mètres, occupe plus de 14 hectares; il est plus grand que la Grande Pyramide de Gizeh, en Egypte.

En 2012, les archéologues italiens ont trouvé ce qu'ils croyaient être des bâtiments publics sur la place ouest du tumulus des Moines.

Cette année, les trous de poteaux qu'ils ont trouvé leur ont donné raison. Les élèves ont fait des découvertes sur un site que les chercheurs avaient délaissés dans les années 1960. Les poteaux qu'ils ont découvert sont les traces d'un mur ouest qui fermait une palissade.

Chaque structure identifiée est un nouvel élément permettant aux archéologues de cartographier et décrypter la construction de la civilisation de Cahokia...

Une vue d'artiste de ce à quoi pouvait ressembler Cahokia. Source: Université de Bologne

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