3.17.2014

Les monuments de Petra auraient été construits selon des orientations astronomiques

Lors du solstice d'hiver, le soleil est filtré dans le monastère de Petra, en Jordanie, illuminant le podium d'une divinité. Au même moment, la silhouette de la montagne d'en face dessine la tête d'un lion, une bête sacrée.

Ce sont là quelques-uns des exemples tirés d'une étude menée par des chercheurs de l'Institut d'Astrophysique des Canaries et le CSIC (Espagne). Ils ont montré comment les événements célestes ont influencé l'orientation des grandes constructions des Nabatéens.

 Au cours du solstice d'hiver, la lumière du soleil couchant illumine le podium  du monastère de Petra, depuis lequel on peut voir la silhouette de la tête d'un lion. / J. A. Belmonte – A. C. González-García



Le mouvement du Soleil dans le ciel de Petra a déterminé la manière dont les monuments de cette ville (et d'autres villes Nabatéennes) ont été érigés.

Il s'agit d'une analyse statistique de la position spatiale de leurs palais, temples et tombeaux, menée par les chercheurs de l'Institut d'Astrophysique des Canaries (IAC), la SCCI en Espagne, et l'Université de Pérouse (Italie).


La religion nabatéenne.

Les résultats, publiés par le Nexus Network Journal, montrent que ces grands bâtiments ont été construits en tenant compte des équinoxes, des solstices et autres événements astronomiques significatifs pour la religion nabatéenne.

Les Nabatéens ont prospéré au cours du premier siècle avant JC et du premier siècle de notre ère dans ce qui est aujourd'hui la Jordanie et les pays voisins.
"Les monuments nabatéens sont de merveilleux laboratoires où les caractéristiques du paysage et les événements du soleil, de la lune et des autres étoiles interagissent," souligne Juan Antonio Belmonte, chercheur et coordinateur de l'étude, "les orientations astronomiques font souvent partie d'un plan élaboré, et, sont la possible marque de la nature astrale de leur religion (...)".


Les marqueurs de Solstice 

Un exemple frappant, celui d'Ad Deir, le monastère de Petra.
Lors du solstice d'hiver, la lumière du soleil couchant entrant par la porte du monument illumine le Motab sacré. Il s'agit d'un podium où des blocs de pierre, représentant des divinités (comme le dieu Dushara), sont placés.
"L'effet est spectaculaire, et n'aurait pas été observable les quelques jours les plus proches de ce solstice", a commenté Belmonte, qui souligne également comment, juste à ce moment, un autre phénomène curieux se produit...

Observé depuis le Motab lui-même, le coucher du soleil recrée l'aspect de la tête d'un lion, la bête de la déesse nabatéenne Al Uzza, sur les rochers d'en face.

Les calculs mathématiques montrent aussi que le tombeau de l'Urne suit un plan astronomique: il s'agit d'un autre monument célèbre où le roi Malichos II serait enterré.

Sa porte principale est centrée sur le coucher de soleil de l'équinoxe, quand le jour est égal à la nuit. De plus, les rayons de soleil pendant les solstices d'été et d'hiver, pointent sur les deux angles du bâtiment.

 Les alignements dans le tombeau de l'Urne à  Petra. Image: J. A. Belmonte-A. C. González-García – Creative Commons

"Cet ensemble étonnant de trois alignements dans le plan de la tombe, en combinaison avec des caractéristiques importantes dans l'horizon lointain ne peut guère être attribué au hasard," Souligne Belmonte.

Lorsqu'en 446  après JC, l’évêque chrétien Jason convertit le tombeau de l'Urne en cathédrale de Petra, les marqueurs du solstice ont également servi de référence dans la détermination du réveillon de Noël (24 Décembre) et de Saint-Jean-Baptiste (24 Juin), date à laquelle le monument fut consacré à la nouvelle religion.

Relecture par Marion Juglin
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3.13.2014

Une statue de la fille du roi Amenhotep III découverte à Louxor


Une statue de la fille du roi Amenhotep III, grand-père de Toutankhamon et roi d'Egypte il y a environ 3350 ans, a été mis au jour par une équipe d'archéologues égyptiens et européens.

Bien que le visage de la statue de calcite soit érodé, et que les pieds restent à découvrir, la perruque ronde de la princesse est clairement visible. Elle porte aussi un ménat (grand collier). Photo: Egyptian Ministry of Antiquities via AFP

La statue de la princesse Iset a été découverte dans le temple du pharaon Amenhotep III, sur la rive ouest du Nil, dans la ville du sud de Louxor.

Cette nouvelle découverte est la première représentation connue d'Iset, seule avec son père, a indiqué le ministère des antiquités.
Les sculptures exposées au Musée égyptien, elle et ses frères et sœurs, représentent le règne de la 18ème dynastie.

La statue fait 1,7 mètre de haut et fait partie d'une immense statue en albâtre de 14 mètres: Amenhotep III lui-même.

La statue d'Iset se trouve assise entre les pieds du roi.

Son nom et son titre royal sont inscrits près de ses pieds, mais son visage a souffert de l'érosion.

Amenhotep III a régné sur une ère qui a vu la renaissance de l'art égyptien. Il a été succédé par son fils Akhénaton: adorateur du soleil, il aurait, pour certains chercheurs, lancé la première religion monothéiste du monde connu.

Certains des plus grands monuments de l'Égypte ancienne ont été construits sous le règne d'Amenhotep III.


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3.12.2014

Une piscine romaine découverte dans les thermes de Lugo en Espagne


Le Balneario de la ville de Lugo, en Galice, n'est pas considéré comme l'une des grandes attractions du patrimoine de la ville.

Pourtant, d'après l'archéologue Francisco Herves (Arqueoconsulting) il s'agit de "l'un des plus gros complexe thermal construit dans la péninsule nord-ouest."

D'ailleurs, de récentes fouilles effectuées dans les thermes ont montré leur importance archéologique.

Photo: La Voz de Galicia

Les fouilles ont mis au jour une piscine romaine dont les restes ont été localisés à l'intérieur et l'extérieur du bâtiment.

Le directeur des thermes, Garaloces Antonio, et l'archéologue Francisco Herves précisent que la piscine mesure 6,50 mètres de longueur, depuis l'intérieur, et un peu plus de deux mètres de large.

Les traces d'un escalier longitudinal y ont aussi été trouvées.

Photo: La Voz de Galicia

Dans la partie qui était autrefois la chaufferie, des structures complexes semblent correspondre à un sudatorium.

Une chaussée en opus signinum (mortier romain imperméable) borde la partie de la piscine située à l'intérieur du bâtiment.
 Sous cette chaussée ont été trouvés les restes d'un certain nombre de canaux en pierres.

Herves a fait remarquer que la conception de la piscine repose sur d'excellentes caractéristiques.
Des plâtres étanches ont été utilisés à plusieurs reprises: trois phases ont été observées dans les travaux de rénovation.

Merci à Hugo pour l'information !

Relecture par Marion Juglin

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3.10.2014

Le plus ancien fromage au monde découvert sur des momies chinoises parfaitement conservées


Le plus ancien fromage du monde a été trouvé sur le cou et la poitrine de momies parfaitement conservées, enterrées dans le désert de sable de Chine.

La beauté de Xiaohe. Photo by Screenshot

Datant de 1615 avant notre ère, les amas de matière organique jaunâtre ont fourni des preuves directes de la plus ancienne méthode de fermentation de produits laitiers connue.

Les individus ont probablement été enterrés avec le fromage afin qu'ils puissent le savourer dans l'au-delà.

Bien que la fabrication du fromage est connue, sur des sites en Europe du Nord, dès le sixième millénaire avant notre ère et était courant dans l'Egypte et la Mésopotamie au troisième millénaire avant notre ère, aucun reste de fromage ancien n'a été retrouvé jusqu'à présent.

Le fromage vieux de 3600 ans a été découvert lors de fouilles archéologiques entre 2002 et 2004 au cimetière de Xiaohe, dans le désert inhospitalier du Taklamakan dans le nord-ouest de la Chine.

Les morceaux de fromage (pointés par les flèches) ont été trouvés sur le cou et la poitrine d'une momie féminine connue sous le nom de "La beauté de Xiaohe." L'encart montre une vue agrandie d'un morceau de fromage. Photo: Yimin Yang and Yusheng Liu

Les chercheurs ont recueilli 13 échantillons de matière organique jaunâtre sur 10 tombes et momies, dont celle appelée "la beauté de Xiaohe", une momie de femme vieille de 3800 ans aux traits caucasiens et enveloppée dans un linceul de belle facture.

L'analyse des protéines a montré que la matière organique n'était pas du beurre ou du lait, mais un fromage fabriqué à partir de la fermentation du kéfir.

Le cimetière a été construit sur une grande dune naturelle et héberge des centaines de mystérieuses momies aux traits caucasiens. Elles sont enterrées dans des cercueils en bois massif ressemblant à des bateaux à l'envers.

Des analyses ADN récentes ont montré que la population était mixte, européenne et asiatique.

Taklamakan signifie littéralement "allez et vous n'en sortirez pas." La région, avec ses sables, hyper-secs et salés, qui est extrême chaude en été et froide en hiver, apporte les conditions parfaites pour la momification naturelle. En outre, les cercueils en forme de chaloupe étaient couverts de plusieurs couches de peau de vache, qui les isolaient de l'air, de l'eau et du sable comme s'ils étaient «sous vide».

Relecture par Marion Juglin
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3.08.2014

Une tombe de la XVIIème dynastie de l'Egypte ancienne découverte à Louxor

Une tombe pratiquement intacte datant de 1600 avant JC, d'un homme appelé Neb, éclaire la XVIIème dynastie de l'Egypte ancienne.

C'est la constatation importante faite par les chercheurs du Projet Djehouty, dirigée par le Conseil supérieur espagnol de la recherche scientifique (CSIC) et réalisé à l'extrême nord de la nécropole de Dra Abou el-Naga à Louxor, l'ancienne Thèbes.

Photo: Luxor Times Magazine

Le sarcophage, selon le chercheur et chef de projet du SCCI José Manuel Galan, contribue à améliorer la connaissance d'une période historique peu connue: la XVIIème dynastie.
Thèbes devenait alors la capitale du royaume, contribuant ainsi au futur empire et à la domination égyptienne sur la Palestine, la Syrie et la Nubie.

Le corps de Neb a été trouvé dans la chambre sépulcrale, creusée dans la roche à quatre mètres de profondeur.
Le sarcophage, qui fait deux mètres de long et un demi-mètre de large, est en bonne état avec les couleurs de la décoration originale.

L'entrée de la chambre, selon le chercheur du SCCI, était parfaitement fermée avec des ornements: elle n'a donc jamais été ouverte après l'inhumation du corps.

La petite pièce contenait aussi un sarcophage en bois décoré dans le style «rishi», qui signifie «ali» en arabe et est caractéristique de la XVIIème dynastie.

"Une paire d'ailes écartées a été peinte sur le cercueil, comme si une déesse ailée embrassait le mort, lui assurant une protection dans la vie après la mort'', a déclaré Galan. Le chercheur a souligné que "le style du sarcophage avait été utilisé très modérément et sur une courte période de temps, quand l'Égypte n'était pas encore unifiée. Quelques-uns de ce genre ont été trouvés dans leur lieu d'origine et ont été bien documentés dans leur contexte archéologique''.

Photo: Luxor Times Magazine

Une inscription sur la partie supérieure du cercueil contient l'invocation d'une offrande à un homme appelé Neb, dont la momie est encore à l'intérieur du cercueil et apparemment en bon état.

La découverte a eu lieu lors de fouilles archéologiques avec 16 Espagnol et 4 experts étrangers, confirmant que Dra Abou el-Naga était l'endroit où les membres de la famille royale et les courtisans de la XVIIème dynastie étaient enterrés, en 1.600 avant JC.
C'est une période clé pour comprendre les origines de l'empire égyptien, la structure et les principes de fonctionnement de l'administration de Thèbes.

La dynastie a régné dans une ère historique appelée Période Intermédiaire (entre 1800 et 1550 avant JC). Elle se caractérise par le règne de gouverneurs d'origine syro-palestinienne dans le Delta oriental.
C'est une époque de grande complexité politique lorsque le pouvoir effectif était entre les mains des dirigeants locaux.

Relecture par Marion Juglin
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3.06.2014

Des sépultures aztèques de chiens intriguent les archéologues

Au cours des fouilles de sauvetage à Azcapotzalco (nord-ouest de Mexico), les archéologues de l'Institut national d'anthropologie et d'histoire (INAH) ont découvert les restes de 12 chiens.

Ceux-ci ont été enterrés il y a environ 500 ans, mais fait exceptionnel, sans lien apparent avec un enterrement humain (agissant comme un guide pour l'âme dans le monde souterrain, ou comme une offrande dédiée à un temple ou un bâtiment).

Les chiens ont été enterrés entre 1350 et 1520 après JC, au plus fort de la période Aztèque à Azcapotzalco.


Sous l'apogée du règne Aztèque

La date approximative de leur enfouissement a été déterminée à partir du matériau en céramique retrouvé, connu sous le nom d'Azteca III, et fabriqué au cours de la période postclassique tardive entre les années 1350 à 1520 après JC.
C'était sous l'apogée du règne aztèque dans la région, a déclaré l'archéologue Rocío Morales Sanchez.

"Les sépultures de chiens ont déjà été trouvées dans des contextes archéologiques, mais dans ce cas, il n'est pas associé à une construction ou une sépulture humaine. Sans aucun doute, c'est une découverte spéciale, par le nombre de corps et par le fait que nous n'avons pas trouvé de lien avec un bâtiment ou une personne décédée."

Les archéologues vont creuser plus profondément pour savoir si des indices existent sous ce dépôt pour faciliter l'interprétation.
Les squelettes de chiens seront analysés en laboratoire pour déterminer la cause de la mort, s'ils souffraient d'une maladie ou d'une malformation. 

La forme de leur corps semble suggérer un type commun de chien, comme les Techichi, reconnus par leurs pattes courtes, ou les xoloitzcuintli, identifiés par leur perte de prémolaires à l'âge adulte.
Les chiens sont de taille moyenne, de différents âges et ont la plupart de leurs dents, à l'exception de celui qui a une usure dentaire sévère.

Les chiens ne sont pas d'une race particulière, mais plutôt d'un type commun. Image: INAH


Les vestiges ont été découverts suite à des travaux de terrassement de ce qui était la périphérie d'Azcapotzalco sur le côté sud et lié à l'ancien quartier de Concepción Huitznahuac.

Il y a quelques années une autre fouille de sauvetage avait été menée dans la partie orientale de la même région et les archéologues avaient mis au jour les restes d'une maison familiale, où ils ont également trouvé des sépultures humaines et des traces d'anciens canaux.

Il y a eu aussi la découverte d'une grande quantité de déchets domestiques, principalement des céramiques, des aiguilles en os et des outils de pierre d'obsidienne.


Des instruments de percussion en fémur humain 

L'archéologue Antonio Zamora, de l'INAH, a dit qu'ils avaient également trouvé un omichicahuaztli (instrument de percussion) taillé dans un fémur humain, ainsi qu'un autre instrument de musique fait en humérus de chien.

Omichicahuaztli. Source: Musées Royaux d'Art et d'Histoire

Dans une couche d'argile, ils ont découvert les restes d'un enfant de l'âge de trois ans de l'époque préhispanique avec des déchets alimentaires, composés d'os de chien et de dinde.

Compte tenu de la proximité de cette zone avec la rive du lac Texcoco, les archéologues ont conclu que les déchets ont été mis là pour élever le niveau du sol afin d'éviter les inondations.

Relecture par Marion Juglin
Source:
  • Past Horizons:"Aztec dog burials puzzle archaeologists"

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3.03.2014

Un village vieux de 2300 ans mis au jour sur la route de Jérusalem

Les archéologues israéliens ont découvert les restes d'un habitat rural vieux de 2300 ans près de la «Route de Birmanie», une voie de fortune vers Jérusalem construite pendant la guerre d'indépendance de 1947 à 1949.

Vue aérienne du village vieux de 2,300 ans.  Photo by Skyview, Israel Antiquities Authority
 
L'Autorité des Antiquités d'Israël a récemment terminé les fouilles sur le site avant la construction d'un pipeline de gaz naturel de 25 kilomètres de long. Le pipeline contournera le site archéologique.

L'excavation a mis au jour 750 mètres carrés d'un village de maisons en pierre avec ses ruelles étroites. Il a été occupé pour environ deux siècles au cours de la période du Second Temple, à partir de 530 avant notre ère jusqu'à 70 après JC.

Chaque maison dispose de plusieurs pièces et d'une cour.
Les pièces servaient généralement de lieu d'habitation et de stockage, tandis que les tâches domestiques étaient effectuées dans la cour, a déclaré la directrice de la fouille, Irina Zilberbod.

Le village a pu être daté grâce à plus de 60 pièces couvrant la période du roi séleucide Antiochos III au roi Hasmonéen Alexandre Jannée.

Les fouilles ont montré que le site a été le plus développé au cours de la période hellénistique au troisième siècle avant notre ère, après le règne d'Alexandre le Grand.

Il a été abandonné à la fin de la dynastie des Hasmonéens.

Des outils de basalte et de calcaire à usage domestique ont été découverts, ainsi que des poteries pour la cuisine, et des lampes à huile.

Il n'est pas clair cependant pourquoi le village a été abandonné. Les chercheurs supposent que cela est dû à un processus graduel résultant de changements économiques, plutôt que d'un événement soudain et violent comme une conquête.

"Le phénomène de l'abandon des villages et des fermes à la fin de la période Asmonéenne ou au début du règne d'Hérode le Grand est connu et concerne de nombreux sites ruraux en Judée," a déclaré le directeur de l'Autorité des Antiquités d'Israël à Jérusalem, Yuval Baruch, "cela peut être relié à de vastes projets de construction d'Hérode à Jérusalem, notamment le Mont du Temple, et le déplacement de nombreux habitants des zones rurales vers la capitale pour prendre part aux travaux."

Relecture par Marion Juglin
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3.01.2014

Les grecs et romains étaient-ils aveugles aux couleurs ?


Homère a laissé aux historiens l'impression que les anciens Grecs et Romains avaient une appréciation sous-développée de la couleur.

Les anciens, en réalité, étaient un peu plus sophistiqués que cela et appréhendaient la couleur d'une manière complètement différente de nous, affirme Mark Bradley.

Image: Scott Barbour, Getty Images

"Les gens dans les anciennes cultures percevaient la couleur d'une manière tout à fait différent de vous et moi. L'étrange description, la plus célèbre, de la couleur dans le monde méditerranéen antique est le «vin mer sombre» dans l'Iliade et l'Odyssée. Avez-vous déjà regardé la mer et pensé qu'elle avait la couleur du bordeaux ?" demande Bradley.

L'une des premières personnes à dire que les anciens Grecs avaient un sens sous-développé de la couleur est un Premier ministre britannique du 19ème siècle. En plus d'être politicien, William Gladstone était un savant des classiques, et, pendant son temps libre avait fait une étude de l'utilisation de la couleur dans la littérature grecque ancienne.

D'après Mark Bradley, professeur agrégé d'histoire ancienne à l'Université de Nottingham, Gladstone observait, à juste titre, que la couleur était exploitée de manière très différente dans l'antiquité de ce à quoi nous sommes habitués aujourd'hui: "nous avons beaucoup de difficulté à traduire les termes d'une couleur chez Homère dans les langues occidentales modernes".

Gladstone avait noté qu'Homère utilisait en fait très peu de termes pour les couleurs, qui prédominent en noir et blanc, et qu'il utilisait les mêmes couleurs pour décrire des objets qui semblent tout à fait différent.
"Il croyait que, bien qu'Homère représentait les origines de la littérature occidentale et avait des idées très sophistiquées sur la caractérisation, la tragédie, l'intrigue et le genre, avait en fait un vocabulaire de la couleur comparable à celui d'un enfant contemporain de l'âge de trois ans", dit Bradley.

Cela donnait l'impression que les grecs homériques étaient daltoniens et qu'ils étaient peut-être daltoniens en masse. C'est un sujet scientifique chaudement débattu depuis plus de cent ans.

Bradley estime que l'un des problèmes avec Gladstone et les chercheurs suivants est d'avoir essayé de cartographier d'anciens termes de couleurs grecs sur la façon dont nous comprenons la couleur.

Nous avons l'idée d'un spectre de couleurs abstraites que nous avons hérité de Newton: en fermant les yeux, on imagine le jaune, l'orange, le rouge, le bleu. "Si vous commencez à aborder la couleur d'une manière très différente et pensez que c'est un phénomène différent, cela aide vraiment à comprendre ce qui se passe avec les anciens usages de la couleur," ajoute Bradley.

Les Grecs voyaient la chrominance comme étant essentiellement l'enveloppe extérieure visible d'un objet. Ainsi, une table n'est pas marron, elle est de couleur bois. Une fenêtre serait de couleur verre. Les cheveux seraient de couleur cheveux, la peau serait de couleur de peau: "Ils ne parlaient pas parler en termes de couleurs abstraites comme nous y sommes habitués aujourd'hui."

Le terme de «synesthésique» peut être utilisé pour décrire globalement les différents types d'association que les anciens Grecs ont fait entre les cinq sens.
Si les couleurs sont les manifestations extérieures des objets, alors la perception de cette couleur peut puiser dans d'autres idées telles que l'odeur, la liquidité, la saturation, le toucher, la texture...

Là où nous aurions tendance à ne penser que purement visuel, les Grecs anciens ont apporté d'autres sens en jeu. «Dans l'antiquité, dans les sociétés pré-modernes, il y avait beaucoup plus de possibilités sur la façon dont ont décrivait le monde; ou pouvait puiser dans plusieurs sens différents en même temps», explique Bradley.


Alors qu'était le "vin mer sombre" d'Homère (oinops pontos) ?

Bradley décrit ceci comme le problème de couleur le plus connue de l'antiquité et celui qui a donné lieu à diverses théories.

Une interprétation propose qu'elle décrit la mer au coucher du soleil quand il devient rouge feu.
Une autre interprétation soutien que c'est une allusion à un type désormais obsolète de vin français nommé le petit bleu ou le gros bleu; un vin bleu, qui, si il existait dans l'antiquité, pourrait expliquer la métaphore.

Bradley a un avis différent. Le point important selon lui, c'est qu'Homère décrit la mer comme un vin sombre après une tragédie. Ulysse pleure la mort de ses hommes après un naufrage, quand ils ont été engloutis par la mer de vin sombre. Achille pleure la mort de Patrocle donnant sur la mer de vin sombre: "l'idée est que la mer est dangereuse, elle est captivante, enivrante, tout comme le vin, dit-il. C'est beaucoup plus que la couleur, c'est plus sur ce que l'objet-métaphore nous encourage à penser".


Est-ce que les Romains, comme les anciens Grecs, avaient cette façon «synesthésique» de comprendre la couleur ?

Bradley cite un exemple qui confirme le sens contenu dans le mot que nous traduisons simplement par "pourpre": dans l'antiquité quand quelque chose était porphura ou purpura, cela décrivait le colorant qui était extrait des escargots de mer. Ce colorant était très cher, il brillait et réfléchissait la lumière; il était utilisé pour les vêtements des riches et des puissants. Il puait également .

"Un des aspects accablant du pourpre était qu'il sentait vraiment, vraiment mauvais," ajoute Bradley. L'odeur de poisson restait sur les robes impériales et toges sénatoriales, et donc le mot purpura porte à la fois le sens visuel et olfactif: "c'est un exemple de la façon dont ce que nous voyons comme une simple couleur pourpre est en fait dans les yeux des anciens quelque chose qui est intrinsèquement synesthésique."

Contrairement à l'opinion de Gladstone pour qui les anciens avaient un sens de la couleur sous développés, cela pourrait être considéré comme une perception sensorielle très sophistiquée, selon Bradley: "en fait, la couleur antique était très subtile, très sophistiquée, très polyvalente, mais elle fonctionnait sur des paramètres différents de ce que nous pensons des œuvres de couleurs. C'est un exemple intéressant des difficultés que l'on peut avoir pour comprendre une autre culture."

Bradley dit que le modèle de Gladstone a été étendu dans les années 1960 par les sociologues de Berlin et Kay "ils regardaient les cultures anciennes et modernes partout dans le monde, et comptaient le nombre de couleurs de base qu'elles avaient et traçaient ainsi une sorte d'échelle de l'évolution."

D'après cette échelle, la Grèce homérique était à un stade de 3.5 sur 7. Diverses tribus africaines étaient au premier stade, car elles n'avaient que blanc, noir et rouge dans leur vocabulaire. L'Angleterre, la Russie et le Japon étaient tout en haut de l'échelle.

Mais les perceptions ont changé, dit Bradley: "leur approche a aujourd’hui été presque universellement discréditée, précisément parce qu'elle ne tenait pas compte des différentes façons de comprendre la couleur."

Mark Bradley est l'auteur de "Couleur et signification dans la Rome antique" (Colour and Meaning in Ancient Rome); il est également l'auteur d'un chapitre sur la perception de la couleur par les grecs dans un livre appelé "Synesthésie et sens anciens" (Synaesthesia and the Ancient Senses).

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