3.11.2016

Un ensemble exceptionnel d'armes en bronze mis au jour dans le Sultanat d'Oman

Suite à de fouilles menées par la mission archéologique française en Oman central, des vestiges ont été découverts à même le sol, dans un bâtiment appartenant à un complexe semble-t-il cultuel.
 Modèle 3D du bâtiment principal de Mudhmar Est (la salle où les armes ont été retrouvées se situe à gauche au milieu du bâtiment). © Raphaël Hautefort / Mission archéologique française en Oman central.

Il y avait en particulier deux carquois complets et des armes métalliques, dont cinq arcs. Ce sont des objets pour la plupart non fonctionnels et inédits en Arabie.

La poursuite des recherches archéologiques, débutées en 2011 dans cette zone, permettra de mieux connaître le système politique, les pratiques sociales et les rituels existant en Arabie à cette époque.

Dirigées par Guillaume Gernez du laboratoire Archéologies et sciences de l'Antiquité (UMR 7041), ces fouilles ont également impliqué le laboratoire Archéorient (UMR 5133).

La région d'Adam se situe à la frontière des oasis et des espaces désertiques d'Oman. Elle était totalement inexplorée du point de vue archéologique avant que la mission archéologique française en Oman central, dirigée depuis 2011 par Guillaume Gernez, n'y effectue ses premières prospections en 2007.

 Mudhmar Est – Arcs, flèches, poignards et haches dispersés sur un sol
© Guillaume Gernez / Mission archéologique française en Oman central.

Découvert en 2009, le site dénommé Mudhmar Est est constitué de deux bâtiments principaux et de quelques aménagements annexes. Il est localisé au pied du Jabal Mudhmar, à proximité de l'une des plus grandes vallées omanaises et au carrefour stratégique de plusieurs routes commerciales.

Long de 15 mètres, le plus grand des deux bâtiments, qui repose sur le flanc du Jabal Mudhmar, est constitué de blocs en grès taillés et de briques faites de terre. C'est au sein de cet édifice, dans une petite salle apparemment dépourvue de porte, que l'équipe vient de mettre au jour cet ensemble exceptionnel d'armes en bronze.

Datés de l'âge du fer II (900-600 av. J.-C.), ces objets semblent être tombés des meubles ou des étagères qui les supportaient. Selon une autre hypothèse, ils étaient accrochés aux murs de la pièce.

Au sein de cet ensemble, deux groupes particulièrement remarquables se distinguent.

Le premier est formé de deux petits carquois intégralement en bronze, y compris les six flèches contenues à l'intérieur de chacun d'eux. D'après leurs dimensions (35 cm), il s'agit de modèles réduits imitant des originaux en matériau périssable (cuir), qui ne sont habituellement pas retrouvés lors de fouilles archéologiques. Le fait qu'ils soient ici en métal sous-entend qu’ils n'étaient pas fonctionnels. De tels carquois n'ont jamais été retrouvés en Arabie et sont rarissimes ailleurs.

 Mudhmar Est – Deux carquois en cuivre/bronze, en cours de fouille
© Guillaume Gernez / Mission archéologique française en Oman central.

Le deuxième groupe comprend des armes métalliques, pour la plupart non utilitaires (d'après leurs dimensions légèrement réduites, la matière qui les compose, et/ou leur absence de finition). Il s'agit de cinq haches de combat, de cinq poignards à pommeau en forme de croissant caractéristiques de l'âge du fer II, d'une cinquantaine de pointes de flèches et de cinq arcs complets.
Ces derniers sont formés d'une branche courbée plate, infléchie au niveau des deux extrémités, entre lesquelles est tendue une corde en bronze. La dimension de ces arcs (70 cm en moyenne) et surtout la matière utilisée indiquent qu'il s'agit d'imitations d'arcs en matériaux périssables (bois, tendons).

 Mudhmar Est – Hache non finie en cuivre/bronze
© Guillaume Gernez / Mission archéologique française en Oman central.

De tels objets sont totalement inédits : aucun arc en métal n'était connu en Arabie ou au Moyen-Orient jusqu'à présent. Cette découverte exceptionnelle apporte de nouvelles informations sur l'armement pendant l'âge du Fer en Arabie orientale et sur les pratiques sociales à l'époque.

Le caractère non utilitaire de la plupart des armes pourrait indiquer qu'elles ont été conçues pour être offertes à une divinité guerrière, et/ou comme élément-clé de pratiques sociales que les archéologues ignorent encore. La première hypothèse est confortée par la présence, dans le deuxième bâtiment du site, de quelques fragments d'encensoirs en céramique et de petits serpents en bronze, autant d'éléments souvent associés à des pratiques rituelles à cette période. Les fouilles à venir devraient permettre de mieux cerner la fonction du complexe, qui intrigue les archéologues.

 Mudhmar Est – Arc non utilitaire, intégralement en cuivre/bronze
© Guillaume Gernez / Mission archéologique française en Oman central.

Cet ensemble d'armes a été constitué au cours d'une période d'intensification de la production métallurgique observée en Arabie orientale à l'âge du Fer. Cette évolution économique et technique s'est accompagnée d'une complexification sociale attestée par la multiplication des sites fortifiés et de l'architecture monumentale.

Cependant, au sein de cette société sans écriture, connaître le système politique et la structure sociale demeure une tâche ardue. La poursuite de l'exploration archéologique de ce site et de son environnement immédiat, ainsi que de la région centrale d'Oman s'avère ainsi essentielle pour reconstruire l'aube de l'Histoire en Arabie.

Ces travaux ont été effectués avec le soutien notamment du ministère français des Affaires étrangères et du ministère omanais du Patrimoine et de la Culture, du CNRS, de l'ambassade de France en Oman, du Centre français d'archéologie et de sciences sociales au Koweït, de l'Institut des déserts et des steppes à Paris et de la société d'imagerie DIAG à Dubaï.

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3.09.2016

Polémique: qui a transporté les pierres bleues de Stonehenge ? L'homme où les glaciers ?

Voici une énigme archéologique qu'une équipe d'experts estime avoir résolu: si et comment les "pierres bleues" de Stonehenge ont été excavées et transportées du Pembrokeshire par les ancêtres préhistoriques.

L'équipe d'archéologues et de géologues, ont dirigé des universitaires du University College, London, et confirmé avec certitude deux sites dans les collines de Preseli, Carn Goedog et Craig Rhos-y-felin, d'où ont été extraits deux types de pierre.

Fouilles sur le site de de Carn Goedog. Photo: Wales Online

Il avait été suggéré que les pierres avaient d'abord été utilisées dans un monument local, quelque part près des carrières, avant d'être démantelées et traînées vers le Wiltshire.

Mais les affirmations sur la façon dont les pierres ont été enlevées et transportées, avec apparemment des soi-disant traces d'ingénierie, ont été qualifiées de "toutes fausses" par une autre équipe de géo-scientifiques, dans un rapport conflictuel.

Dans un document examiné par des pairs et publié dans le journal Archaeology in Wales, le Dr Brian John, le Dr Dyfed Elis-Gruffyd et John Downes, estiment qu'il "n'y a pas de traces d'intervention humaine dans aucune des caractéristiques qui rendent les archéologues aussi excités."

Le groupe n'accepte pas l'idée d'une carrière néolithique dans les collines de Preseli et disent que les signes supposés "d'exploitation" par les hommes à Craig Rhos-y-Felin sont en fait entièrement naturels.

Ils pensent aussi que les archéologues qui ont fait le rapport ont pu par inadvertance avoir créé certaines de ces fonctionnalités au cours des cinq années "d'enlèvement très sélectifs des sédiments".

"Ce site a été décrit par l'archéologue en chef, le Professeur Mike Parker Pearson, comme "la Pompéi des carrières de pierre de la préhistoire" et a engendré un grand enthousiasme dans les cercles archéologiques" explique le rapport, "la sélection de cette paroi rocheuse près du village de Brynberian pour des fouilles entre 2011 et 2015 a été déclenchée par la découverte des géologues Ricgard Bevis et Rob Ixer, car certains fragments de pierre dans le sol de Stonehenge correspondaient exactement à un type inhabituel de rhyolite feuilletée présente dans la paroi rocheuse. Cela a conduit les archéologues à conclure qu'il devait s'agir d'une carrière néolithique utilisée dans le but spécifique de découper des monolithes correspondant aux pierres bleues de Stonehenge."

Mais le Dr John est de plus en plus convaincu que les débris de rhyolite de Stonehenge proviennent de blocs erratiques provenant de la paroi rocheuse Rhosyfelin. Cela serait arrivé il y a près d'un demi-million d'années avec l'énorme glacier de la mer d'Irlande qui les a transporté vers la plaine de Salisbury.

Fouilles sur le site de Craig Rhos-y-felin. Photo: UCL - University College London

 Dans son article écrit avec le Dr Dyfed Elis-Gruffyd et John Downes, il dit qu': "il est suggéré, sur la base d'examens minutieux du site, que certaines des "caractéristiques faites par l'homme" ont été créées en fait par les archéologues eux-mêmes à travers un processus d'enlèvement sélectif des sédiments et des clastes (fragments de cristaux, fossiles ou roches). Une attente ou une conviction que des "traces d’ingénierie" allaient être trouvées a peut-être conduit au façonnage inconscient d'artifices archéologiques.
Bien qu'il semble n'y avoir aucune preuve dans la forme du relief, la mécanique des roches ou les sédiments que c'était une carrière néolithique dévouée à l'extraction des pierres bleues orthostates destinées à Stonehenge, ou tout autre but, nous acceptons la possibilité qu'il y a pu avoir ici des campements temporaires au mésolithique, néolithique ou plus tard sur une très longue période de temps, comme dans beaucoup d'autres lieux boisés et abrités dans le nord du Pembrokeshire."

Le Dr Brian John, a ajouté que:"Le nouveau travail géologique à Rhosyfelin et Stonehenge est une recherche intéressante sur la provenance d'une roche, mais cela ne nous dit rien du tout sur la façon dont les monolithes ou les fragments de roches sont arrivés à Stonehenge depuis l'ouest du Pays de Galle. Nous sommes sûrs que les archéologues se sont convaincus que le transport glaciaire des erratiques était impossible. Nous ne savons pas d'où ils tiennent cette idée. Au contraire, il existe des preuves substantielles en faveur du transport glaciaire et aucune supportant la théorie du transport par l'homme. Nous acceptons qu'il y ait pu avoir un campement à Rhosyfelin, utilisé de façon intermittente par les chasseurs sur plusieurs millénaires. Mais il n'y a pas de carrière. Nous pensons que les archéologues avaient tellement envie de raconter une belle histoire ici qu'ils ont ignoré ou mal interprété les éléments de preuve devant eux. Cela est très négligent. Ils doivent maintenant procéder à une réévaluation complète du matériel qu'ils ont recueilli."

De nouvelles fouilles sont prévues cette année.

Relecture par Marion Juglin

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3.04.2016

Cerén: Les découvertes archéologiques racontent une histoire différente sur les Mayas

Pendant des décennies les scientifiques pensaient que l'élite maya, afin de maintenir un empire puissant et prospère sur les territoires qui sont aujourd'hui situés au Salvador, Honduras, Guatemala, Belize et sud-ouest du Mexique, exerçait un contrôle strict sur la population, les coutumes et l'économie.

Mais de nouveaux indices trouvés à Cerén, un site archéologique situé à environ 35km à l'ouest de San Salvador, racontent une histoire très différente sur cette civilisation qui a émergé vers 1000 avant JC avant de se développer puis de s'effondrer au 16ème siècle.

Les restes archéologiques de Cerén, surnommé "La Pompéi des Amériques", ont été découverts en 1976 par Payson Sheets, un anthropologue de l'Université du Colorado à Boulder.

Les ruines reposaient sous une couche de 5 mètres de cendres provenant de l'éruption du volcan Loma Caldera il y a environ 1400 ans.

Presque 40 ans après la découverte, une équipe d'archéologues et anthropologues américains et salvadoriens, menée par Sheets, ont fouillé la citadelle et trouvé des centaines d'objets de la vie quotidienne très bien préservés grâce à la couche protectrice de cendre.

Sheets et son équipe ont fouillé au total 12 bâtiments, dont cette maison. Credit: Colorado University.

Les scientifiques pensent que l'éruption du volcan était si forte que les gens ont dû abandonner la ville, en laissant tous leurs biens derrière eux. "Cela fait de Cerén l'un des sites archéologiques les plus riches de la région" estime Sheets.

Les données recueillies sur le site racontent l'histoire d'une communauté qui semblait avoir beaucoup de liberté pour prendre des décisions cruciales concernant l'organisation familiale, la religion et les cultures vivrières.

Parmi les découvertes les plus significatives, il y a une petite route (ou sacbé), la seule rue Maya connue au Salvador à ce jour. Elle reliait un champ de yucca avec la zone urbaine comprenant des maisons et des édifices publics.

Situées entre les champs et la cité, les chercheurs ont aussi trouvé d'autres cultures divisées en parcelles. "Ces petites plantations ne suivent pas un processus standardisé: certaines cultures étaient mieux entretenues que d'autres, ou bien avaient une orientation différente. Cela signifie qu'il y avait différents propriétaires, et cela n'était possible que si les habitants de Cerén étaient socialement indépendants" explique Roberto Gallardo, archéologue d'El Salvador’s Dr. David J. Guzmán National Anthropology Museum, et collaborateur dans cette étude.

Cette photo montre la route proche de Cerén, une voie faite de pierres levées appelée sacbé. Les petits monticules en arrière-plan sont des plantations de maïs. Credit: Colorado University.

Cependant, comme il n'y avait qu'une seule route, il devait y avoir une autorité locale, quelqu'un avait dû décider où la placer, selon Rocío Herrera, chercheur du Département d'Archéologie au Ministère de la Culture du Salvador et co-auteur de l'étude: "Nous pensons que les personnes âgées avaient un rôle important sur la façon dont certaines décisions devaient être prises, comme la construction de la route. Mais, à côté de cela, tout semble indiquer qu'ils n'étaient pas dominés par une élite autoritaire".

Sheets et son équipe ont aussi fouillé les bâtiments publics dans un secteur couvrant 4000 mètres carrés. Parmi les constructions, il y avait des ateliers, des cuisines communautaires et un sauna. L'architecture de ces bâtiments, construits avec des techniques et des matériaux différents, ainsi que le manque de planification urbaine attentive (pourtant un signe caractéristique distinctif de la culture Maya), montrent aussi la liberté dont jouissaient les habitants de Cerén pour prendre des décisions sociales sans la stricte approbation d'une caste supérieure.

Mais les chercheurs sont particulièrement attirés par l'interaction économique que les citoyens de Cerén avaient avec l'élite maya.

De nombreuses céramiques découvertes dans les maisons et constructions étaient trop élaborées pour être produites avec les moyens dont disposaient cette communauté.

Dans les bâtiments de Cerén, les chercheurs ont trouvé des céramiques élaborées, signe que les habitants pouvaient commercer avec les élites mayas.   Credit: Colorado University

Les archéologues ont aussi trouvé des haches en jade, très appréciées pour les travaux agricoles. "Les céramiques et jades raffinées étaient des objets qui provenaient des communautés de l'élite. Comment ces produits sont arrivés à Cerén ? Ils avaient accès à ces objets délicats, mais pourtant ne faisaient pas parti d'une grande cité" ajoute Herrera,"Le fait que le habitants de Cerén, des gens ordinaires, aient eu accès à ces objets, nous fait dire que l'élite connaissait leur existence et menait cependant des échanges avec eux, ce qui leur donnait un certain degré d'indépendance."

Les archéologues pensent que l'élite envoyait leurs marchandises par un intermédiaire afin de commercer avec ces gens. "Si les citoyens de Cerén pensaient que ces objets étaient trop chers, [les marchands] n'étaient pas obligés de rester, et ils pouvaient amener leurs marchandises au marché suivant pour espérer faire de meilleures affaires" explique Gallardo.


Les informations trouvées à Cerén contredisent donc l'hypothèse selon laquelle les élites mayas contrôlaient chaque aspect de la société, comprenant l'économie, les politiques, la religion, les arts et les sciences, au cours de la Période Classique (considérée comme l'une des plus productives de l'ère pré-hispanique, entre 250 et 900 après JC).

Les chercheurs estiment qu'il reste beaucoup à découvrir à Cerén.
"Il est possible qu'il y ait d'autres communautés enterrées sous les cendres sur les flancs du volcan. Nous attendons les fonds pour une nouvelle phase du projet où nous prévoyons de suivre la route vers ses extrémités, au nord et au sud, afin de voir ce que nous trouverons. Nous savons qu'il y a une cité appelée San Andres, plein sud, où se trouve le centre religieux maya le plus proche de Cerén." ajoute Sheets.

Relecture par Marion juglin
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2.29.2016

La complexité géopolitique sous l'empire aztèque mise en avant

De nouvelles découvertes faites par une équipe internationale d'archéologues ont révélé la complexité géopolitique dans la région mésoaméricaine aztèque. Elles illustrent comment les relations entre ces anciens états se sont étendues au-delà des guerres et de la diplomatie pour les questions concernant le commerce et la circulation de marchandise.

Une vue de l'ouest depuis les hauteurs de Tlaxcallan. Le volcan actif, Popocatepetl, est visible en arrière plan. Photo: Lane Fargher

L'étude a été faite par des chercheurs de l'Université d'État de Caroline du Nord (NC State University), le CINVESTAV (Centro de Investigación y de Estudios Avanzados del Instituto Politécnico Nacional), El Colegio de Michoacán et Purdue University.

Ils se sont focalisés sur une république indépendante, appelée Tlaxcallan, dans ce qui est aujourd'hui le centre du Mexique, à environ 120km de la ville de Mexico.
Tlaxcallan a été fondée au milieu du 13ème siècle et, jusqu'en 1500, était entourée par l'empire aztèque, sans jamais perdre son indépendance.

En fait, cet état soutenait Cortès et joua un rôle important dans la conquête espagnole du Mexique au 16ème siècle.

Cette nouvelle étude s'est concentrée sur la façon dont les habitants de Tlaxcallan obtenaient leur obsidienne au cours du siècle précédent l'arrivée de Cortès.

L'obsidienne est un verre volcanique qui était très utilisé dans beaucoup de domaines, depuis les outils domestiques et les armes jusqu'aux bijoux et objets religieux. Or, Tlaxcallan n'avait pas de gisement d'obsidienne sur son territoire; aussi, où s'approvisionnaient-ils ?

"Il s'avère que Tlaxcallan se servait d'une source inattendue, appelée El Paredón" rapporte le Dr John Millhauser, professeur assistant en anthropologie à NC State et auteur principal de la rédaction de l'étude, "Presque personne d'autre n'utilisait El Paredón à l'époque, et il se situait à la périphérie de l'empire aztèque. Aussi, pourquoi les aztèques, qui étaient hostiles à Tlaxcallan, n'intervenaient-ils pas ?".


Une explication possible serait que les Aztèques n'intervenaient pas car cela aurait demandé trop d'efforts. "L'obsidienne était largement disponible et était un bien quotidien. Cela ne valait sans doute pas le temps et les dépenses nécessaires pour essayer d'empêcher Tlaxcallan de s'approvisionner à El Paredón, car d'autres sources étaient disponibles" suppose Millhauser.

Cette découverte montre à quel point les relations internationales étaient complexes sous le règne de l'empire Aztèque. "Le fait qu'ils avaient autant d'obsidiennes à disposition si près de l'empire Aztèque me fait interroger sur la portée d'un conflit à l'époque" ajoute Millhauser, "Tlaxcallan était capable d'accéder à une source de biens d'équipement ménager et militaire à partir d'une source qui demandait à se rendre juste après la frontière en territoire ennemi".

En même temps, les chercheurs ont montré clairement qu'il y avait un fossé économique entre Tlaxcallan et les aztèques. De précédentes recherches ont montré que 90% de l'obsidienne aztèque provenait d'une source appelée Pachuca, plus au nord. Mais cette nouvelle étude a montré que seulement 14% de l'obsidienne de Tlaxcallan provenait de Pachuca, la plupart provenant d'El Paredón.

Pour ces travaux de recherches, les scientifiques ont récolté systématiquement les artéfacts des surfaces des terrasses en murs de pierres sur le site précolombien de la cité de Tlaxcallan. Un nombre représentatif de ces artéfacts ont alors été analysés par fluorescence des rayons X (XRF). Ces informations ont ensuite été comparées avec des échantillons provenant de sources connues d'obsidienne dans la région afin de déterminer d'où provenaient les artéfacts en obsidienne.

"Tout cela nous amène au fait que la géopolitique importait pour ces économies des anciens états" selon Millhauser, '"Les positions politiques et les frontières politiques influençaient chaque jour les comportements, vers le bas pour l'écoulement des produits de base comme l'obsidienne. La conception populaire de l'empire aztèque tout puissant avant l'arrivée de Cortès est exagérée. La région était un endroit compliqué politiquement et culturellement."

Relecture par Marion Juglin
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2.23.2016

Des cœurs embaumés depuis 400 ans découverts dans un couvent à Rennes

400 ans après avoir été enterrés dans des urnes en plomb en forme de cœur, cinq cœurs humains embaumés ont été découverts dans un cimetière du nord ouest de la France.

Cette urne en plomb en forme de cœur porte une inscription identifiant le contenu comme étant le cœur de Toussaint Perrien, chevalier de Brefeillac. Credit: Rozenn Colleter, Ph.D./INRAP

Les scientifiques ont été en mesure de voir à l'intérieur de ces organes grâce aux techniques modernes d'imagerie médicale; ils ont ainsi pu observer les cavités des cœurs, les valves et artères, dont certains portaient des marques de maladies.

Ces cœurs ont été trouvés sous le sol du Couvent des Jacobins à Rennes, où les archéologues de l'INRAP font des fouilles depuis plusieurs années, avant le lancement d'un plan de construction pour un centre de conférence sur le site.

Jusqu'à présent, les archéologues ont mis au jour des centaines de sépultures remontant à la fin du 16ème et début 17ème siècle. Ils ont en outre découvert le corps bien préservé d'une veuve nommée Louise de Quengo, Dame de Brefeillac, morte en 1656. Son corps avait été scellé dans un cercueil en plomb, et lorsqu'il fut ouvert pour autopsie, ses habits (une cape, une chemise de lin, des jambières en laine et des chaussures à semelle de liège) étaient remarquablement intacts. A l'intérieur de son cercueil, les archéologues ont aussi trouvé un coffret en plomb contenant le cœur de son mari, Toussaint Perrien, Chevalier de Brefeillac.

"Il n'était pas rare à cette époque d'être enterré avec le cœur de son mari ou de sa femme" précise le Dr Fatima-Zohra Mokrane, radiologiste à l'Hôpital de Rangueil à Toulouse, et qui a mené cette nouvelle étude, "c'est un aspect très romantique de ces sépultures".

Ces urnes en plomb en forme de cœur ont été mises au jour dans un cimetière du nord ouest de la France. Credit: Rozenn Colleter, Ph.D./INRAP

Quatre autres urnes en forme de cœur ont été découvertes dans les caveaux funéraires de familles de classes de l'élite au Couvent des Jacobins.
Dans un effort pour en apprendre plus sur la santé de ces cœurs vieux de 400 ans, Mokrane et une équipe de scientifiques ont nettoyé les organes et enlevé le matériel d’embaumement afin de pouvoir les scanner avec un IRM (imagerie par résonance magnétique) et faire une tomodensitométrie (CT-scan). "Étant donné que quatre des cinq cœurs sont très bien préservés, nous avons pu voir des signes de maladies cardiaques actuelles, comme l'athérosclérose et la plaque" ajoute-t-elle. Un des cœurs ne montrait pas de signe de maladie, mais trois autres ont une accumulation de plaques dans les artères coronaires, ce qui peut provoquer son l'arrêt de l'organe..

Ce n'est pas la première fois que des scientifiques étudient des cœurs bien préservés dans les données archéologiques. Lorsque le Roi Richard Ier d'Angleterre, appelé "Richard cœur de Lion", mourut en 1199, son cœur fut embaumé séparément de con corps et déposé dans l'église de Notre-Dame à Rouen.

Une étude publiée en 2013 avait montré que le cœur du roi avait été traité avec de la myrte, de la marguerite, de la menthe, de l'encens, de la créosote et du mercure; des substances qui ont probablement plus été inspirées par les textes bibliques que par les nécessités de la conservation.


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2.18.2016

Les géoglyphes du Moyen Orient seraient préhistoriques

Depuis l'article publié en 2011 (Moyen Orient: comme à Nazca, des centaines de géoglyphes visibles du ciel), les milliers de structures en pierre représentant des formes géométriques, au Moyen Orient, commencent à être mieux comprises. Des archéologues ont en effet trouvé deux motifs en forme de roue remontant à 8500 ans.


Ces "roues" sont ainsi plus anciennes que les célèbres géoglyphes de Nazca au Pérou.

De plus certaines de ces formes géantes, situées dans l'oasis d'Azraq en Jordanie, semblent avoir une signification astronomique car elles ont été construites dans l'alignement du lever du soleil lors du solstice d'hiver.

Ce ne sont que quelques-unes des découvertes d'une nouvelle étude sur ces lignes du Moyen Orient qui avaient été trouvées par des pilotes au cours de la Première Guerre Mondiale
Le lieutenant Percy Maitland de la RAF avait publié un rapport à ce sujet en 1927 dans la revue Antiquity, précisant que les bédouins appelaient ces structures "ouvrages des vieux hommes", un nom encore utilisé par certains chercheurs modernes.

Ces ouvrages comprennent des roues, qui ont souvent des rayons partant du centre, des kites (structures en pierre qui étaient utilisées pour canaliser et tuer les animaux), des lustres (lignes ou cairns en pierre) et des murs sinueux..

Ce sont des "formes géométriques spécifiques qui font de quelques dizaines de mètres jusqu'à plusieurs kilomètres, évoquant les formes géométriques bien connues des lignes de Nazca au Pérou" écrit l'un des archéologues de l'équipe.

On les retrouve dans toute la région d'Arabie, depuis la Syrie, en Jordanie et Arabie Saoudite jusqu'au Yémen. "Le plus surprenant à propos de ces 'ouvrages' est qu'ils sont difficiles à identifier au niveau du sol. Cela contraste avec leur apparente visibilité depuis les airs" écrivent les chercheurs.


Une datation préhistorique

Les tests ont indiqué que certaines des roues ont aux alentours de 8500 ans, une période préhistorique où le climat était plus humide dans certaines parties du Moyen Orient.
A l'aide d'une technique appelée datation par luminescence (optically stimulated luminescence (OSL)), les archéologues ont pu dater deux roues à Wadi Wisad dans le Désert Noir de Jordanie. L'une des roues  remonte à 8500 ans, alors que l'autre est un mélange de dates suggérant sa construction il y a environ 8500 ans et un remodelage ou réparation il y a environ 5500 ans.

A l'époque où ces roues ont été construites, le climat dans le Désert Noir était plus hospitalier, et Wadi Wisad était habité. " Des charbons de bois de chêne à feuilles caduques et de tamarinier (un arbuste) ont été trouvés dans deux foyers dans une construction remontant à environ 6500 avant JC" écrivent les chercheurs.


Des alignements solaires ?

L'analyse spatiale des roues a révélé qu'un ensemble de roues, situé dans l'Oasis d'Azraq, a des rayons orientés sud-est/nord-ouest ce qui pourrait être un alignement avec le lever du soleil lors du solstice d'hiver. "La majorité des rayons des roues dans cet ensemble sont orientés pour une raison quelconque sur l’alignement sud-est/nord-ouest". On ne sait pas si cet alignement était intentionnel. "Quant aux autres roues, elles ne semblent pas contenir d'informations archéoastronomiques".


Quelle était leur utilité ?

Les deux roues datées "sont simples dans leur forme et plutôt grossières d'après les standards géométriques" rapporte Gary Rollefson, professeur au Whitman College à Walla Walla, Washington, "elles contrastent fortement avec d'autres roues qui semblent avoir été conçues avec une plus grande attention aux détails comme on le retrouve dans les lignes de Nazca. Il est possible que des roues différentes aient eu une utilisation différente."

Dans le cas des deux roues datées, "la présence de cairns suggère un lien avec des inhumations, étant donné que c'était souvent la façon de faire lorsque quelqu'un décédait" ajoute Rollefson qui souligne "qu'il y a d'autres roues où les cairns sont totalement absents, ce qui suggère une utilisation différente".

Rollefson est co-directeur de l'Eastern Badia Archaeological Project. Son équipe espère fouiller quelques-uns des cairns, qui sont situés à l'intérieur des roues, dans les prochaines années.


Visibles depuis le ciel.

La raison pour laquelle les hommes de la préhistoire ont construit ces structures en forme de roue que l'on ne peut voir du sol reste un mystère. Il n'y avait ni ballon, ni planeur à cette époque. De plus, les chercheurs ajoutent que le fait de grimper sur une hauteur pour les voir n'était pas possible, du moins dans la majorité des cas.

Bien que les roues sont souvent difficiles à faire ressortir sur le terrain, elles ne sont pas non plus invisibles. "Certes, on ne peut pas voir le produit fini debout au niveau du sol, mais on peut encore percevoir une configuration géométrique générale" précise Rollefson. Pour créer la forme d'une roue avec le plus de précision, les constructeurs avaient dû utiliser un pieu et une longue corde.


 Les roues d'Arabie Saoudite

Les roues situées en Arabie Saoudite et au Yémen sont différentes de celles trouvées plus au nord. Elles ont été découvertes par une équipe avec l'Aerial Photographic Archive for Archaeology in the Middle East (APAAME). Ils ont étudié les roues et autres "ouvrages des vieux hommes" en utilisant l'imagerie satellite fournie par Google Earth et Bing. Ils ont aussi utilisé des photographies aériennes d'archive prises en Arabie Saoudite et au Yémen au cours du 20ème siècle.

Les cercles tendent à être plus petits et ont seulement une ou deux barres au lieu des rayons, dit David Kennedy, de la University of Western Australia, qui co-dirige le projet. Certaines des "roues" ont en fait la forme de carrés, rectangles ou triangles... Un type de structure ressemble même à un œil de bœuf...

Trois triangles pointent vers la roue œil de bœuf, et il y a de petites piles de pierres qui mènent des trois triangles vers la roue. Kennedy l'a appelé "une tombe à œil de bœuf avec, dans ce cas, trois triangles avec une partie de ligne les reliant au cercle". Pour le moment, les archéologues ne peuvent pas mener des fouilles ou faire de l'imagerie aérienne (avec planeur ou hélicoptère) en Arabie Saoudite ou au Yémen.



Les portails du désert

Une autre forme d' "ouvrage des vieux hommes" que Kennedy et son équipe ont trouvé en Arabie Saoudite est composée de structures qu'il appelle "portails". Jusqu'ici, 332 portes ont été trouvées en Arabie Saoudite (aucune n'est connue plus au nord). Les portails "consistent en deux cours murs épais ou  tas de pierre, entre lesquels s'étirent un ou plusieurs murs de liaison" écrivent les chercheurs

Ils ont noté que "d'en haut, ces structures ressemblent à un ancien portail barré posé à plat." La plus longue porte fait plus de 500m, mais la plupart sont bien plus petites. Les scientifiques ne savent pas à quand remontent ces portails, ni quel était leur but. "J'ai inventé le terme de 'portails' pour la simple raison que j'avais besoin d'une étiquette pratique pour les décrire et je me suis souvenu de sortes de portes de champs que je voyais partout autour de moi au cours de mon enfance à la campagne en Ecosse" explique Kennedy.

Les chercheurs ont remarqué que ces portes ne se situent pas en général près des kites (utilisés pour la chasse). En effet, certains des portails ont été construits dans des endroits, comme des pentes volcaniques arides, où il ne pouvait y avoir de grands troupeaux d'animaux. Les archéologues ont trouvé cinq portails sur les pentes extérieures de la cuvette du volcan Jabal al-Abyad en Arabie Saoudite

Kennedy précise que son équipe est en train de terminer ses recherches sur ces portails et qu'ils vont publier un nouvel article décrivant leurs découvertes en détail.
Relecture par Marion Juglin
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2.16.2016

Comment les cultures précolombiennes s'adaptaient au phénomène El Niño...

De nos jours, le gouvernement péruvien investi des millions de dollars pour protéger les communautés et structures vulnérables du phénomène El Niño. Quatorze régions ont ainsi déclaré l'état d'urgence et 63 sites archéologiques ont été choisis pour une protection renforcée pendant ce phénomène climatique.

Mais qu'en était-il des cultures précolombiennes ? Que faisaient-elles pour s'adapter à El Niño ?

Une archéologue américaine, Ari Caramanica, s'est ainsi penchée sur ces anciennes sociétés au Pérou.

Depuis 2008, l'archéologue Ari Caramanica étudie les sites précolombiens au Pérou (Photo:Julio Talledo / El Comercio)

De l'université de Harvard, Caramanica est actuellement une chercheuse membre du Proyecto Arqueoambiental del Sector de Valle Medio de Chicama, Mocán, Complejo Laguna y Tres Cruces. Elle rapporte qu'El Niño est présent sur la côte du nord du Pérou pour au moins 15000 ans, et depuis 5000 avant JC, le phénomène s'amplifie.

Ils ont mené des études dans la pampa de Mocán, à Chicama, où ils ont fait des recherches sur l'utilisation des plantes par les anciennes cultures. Ils ont ainsi étudié les relations entre l'utilisation des plantes et les changements climatiques.

Daprès Caramanica, entre 900 avant JC et 1500 après JC, les Cupisniques, Moches, Chimús, Lambayeques et Incas, ont été confrontés à ce phénomène climatique. Des traces d'utilisation saisonnière d'implantations dans certaines parties des côtes démontrent une adaptation aux effets d'El Niño.

"Les anciens péruviens savaient comment s'adapter à El Niño. C'est un phénomène très compliqué; jusqu'à présent nous ne savons pas où se situeront les inondations importantes. Nous voyons que ces peuples étaient en constant mouvement, et cela est une adaptation basique, même lorsqu'il y avait des destructions sur de grands sites." explique Caramanica.


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2.12.2016

Des archéologues chinois découvrent d'anciennes lampes absorbant la fumée

Il y a des millénaires, certaines lampes chinoises étaient conçues pour réduire la pollution de l'air d'après une récente découverte.

Des archéologues chinois ont fait des fouilles dans un cimetière de la Dynastie des Han de l'Ouest (206 avant JC-24 après JC); ils y ont mis au jour deux lampes en bronze vieilles de 2000 ans et qui peuvent "avaler" la fumée.

Les lampes ont toutes deux la forme d'une oie tenant un poisson dans son bec. La lumière est en dessous du poisson. La fumée émise lors de la combustion de la cire entre dans le corps de l'oiseau par une ouverture dans le poisson, passe dans le cou avant d'être dissoute par l'eau stockée dans son ventre creux, a rapporté Xin Kixiang, chef de l'équipe de fouilles. "C'est à la fois une œuvre d'art et un exemple d'ancienne innovation" ajoute-t-il.

Photo prise le 6 novembre 2015, montrant les deux lampes en bronze mises au jour lors des fouilles de la tombe royale du Marquis de l'état de Haihun sous la Dynastie des Han de l'Ouest (206 avant JC - 25 après Jc) à Nanchang. [Photo/Xinhua]

Ces lampes peuvent aussi être démontées pour être nettoyées et elles ont des abat-jours pour régler la luminosité.

La Dynastie Han était à son apogée pour les lampes en bronze chinoises, mais de tels exemplaires pouvant absorber la fumée ne devaient être accessibles qu'à des nobles de haut rang.

Les deux lampes ont été trouvées en septembre 2015 dans le tombeau de Haihunhou (Marquis de Haihun). Situé près de la capitale provinciale Nanchang, le cimetière de Haihunhou est le cimetière le plus complet de la Dynastie des Han de l'Ouest jamais découvert en Chine. Il recouvre environ 40000m² et contient huit tombes ainsi qu'un site funéraire pour les chevaux qui ont tiré les chariots.

On pense que la tombe principale appartient à Liu He, petit-fils de l'Empereur Wu, dont le règne a marqué le début d'une période très prospère dans l'histoire de la Chine.
Liu a reçu le titre de "Haihunhou" après avoir été déposé de son titre d'empereur au bout de seulement 27 jours. Haihun est l'ancien nom d'un très petit royaume dans le nord de Jiangxi. Les fouilles sur le site ont commencé en 2011 et sont toujours en cours.

Les artéfacts découverts jusqu'ici comprennent environ 3000 tablettes en bois et feuillets de bambou et un grand nombre d'objets en jade, or et bronze.

Relecture par Marion Juglin
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