6.13.2013

On mangeait du maïs au Pérou, il y a 5000 ans

Il y a quelques semaines, nous avons vu que l'engrais était utilisé en Suède il y a 5000 ans. A cette même période, du maïs était cultivé au Pérou.

Pendant des décennies, les archéologues ont eu du mal à comprendre l'émergence d'une civilisation distincte Sud américaine, au cours de la Période Archaïque (3000-1800 avant JC) au Pérou. L'une des questions persistantes était le rôle de l'agriculture, et en particulier du maïs, dans l'évolution des sociétés complexes et centralisées.

Jusqu'à présent, la théorie dominante supposait que les ressources marines, et non l'agriculture et le maïs, étaient le moteur économique du développement de la civilisation dans la région andine du Pérou.


L'agriculture, marqueur des grandes civilisations.

Aujourd'hui, les dernières recherches menées par Jonathan Haas, conservateur du Field Museum, apportent une nouvelle réponse à cette question. Et ce, grâce à l'analyse d'éléments microscopiques dans le sol, sur des outils de pierre, et dans les coprolithes d'anciens sites datés au carbone 14.

Après des années d'étude, Haas et ses collègues ont conclu que, au cours de la Période Archaïque, le maïs était en effet un élément principal dans l'alimentation des personnes vivant dans la région du Norte Chico du Pérou. C'était une région d'une floraison culturelle remarquable au 3ème millénaire avant J.-C.

"Ce nouvel ensemble de preuves démontre clairement que l'émergence de la civilisation en Amérique du Sud est en effet basée sur l'agriculture comme dans les autres grandes civilisations de Mésopotamie, d'Egypte, d'Inde et de Chine", a déclaré Haas.

Lui et son équipe se sont concentrés sur les sites dans les vallées désertiques de Pativilca et Fortaleza au nord de Lima, où de nombreuses preuves botaniques soulignent la production, la transformation et la consommation importante de maïs entre 3000 et 1800 avant JC.
Ils ont analysé un total de 13 sites.

Les deux sites les plus étudiés sont Caballete, composé de six grands monticules disposés en "U", et le site de Huaricanga, constitué d'un très grand monticule et de plusieurs monticules plus petites de chaque côté.

Un aperçu du site de Caballete depuis l'ouest. Crédit: Jonathan Haas.

Ce que nous apprend le pollen de maïs.

Les scientifiques ont ciblé plusieurs zones sur les sites: à savoir, les résidences, les fosses à ordures, les salles d'apparat et les campements.

Un total de 212 datations au radiocarbone ont été obtenues dans le cadre de ces fouilles.

Les restes macroscopiques de maïs (grains, feuilles, tiges et épis,) étaient rares. Cependant, l'équipe a examiné de plus près et a trouvé une abondance de preuves microscopiques de maïs sous différentes formes lors des fouilles.

Un des meilleurs marqueurs est l'abondance de pollen de maïs dans les échantillons de sols préhistoriques. Bien que le maïs soit cultivé dans la région aujourd'hui, ils ont pu contourner la contamination du maïs moderne: en effet les grains de pollen du maïs actuel sont plus grands et deviennent rouges foncés lorsqu'une teinture est appliquée.
En outre, les échantillons de sols modernes contiennent toujours du pollen de pin d'Australie (Casuarinaceae Casuarina), une plante qui est une espèce envahissante d'Australie et qui n'a jamais été trouvée dans les échantillons préhistoriques.

La majorité des échantillons de sols analysés provenaient de fosses à ordures liées à l'architecture résidentielle.
D'autres échantillons ont été prélevés dans des endroits tels que les planchers des chambres et les débris de construction.

Sur les 126 échantillons de sol analysés (sans compter les outils de pierre et les coprolithes), 61 contenaient des pollens de maïs. En fait, le maïs était le pollen le plus fréquent dans l'ensemble des échantillons, juste derrière le pollen de quenouille qui a des fleurs pollinisées par le vent.

Ceci est cohérent avec le pourcentage de pollen de maïs dans les analyses polliniques des sites dans d'autres parties du monde où le maïs est une culture importante et constitue la principale source de calories dans le régime alimentaire.

Haas et ses collègues ont également analysé les résidus sur les outils de pierre utilisés pour couper, racler, battre et meuler. Les outils ont été examinés afin de trouver des résidus de végétaux, en particulier des grains d'amidon et de phytolithes (microfossiles micrométriques de cellules végétales).

Sur les 14 outils de pierre analysés, 11 avaient des grains d'amidon de maïs sur les surfaces de travail et deux avaient des phytolithes de maïs.


Le maïs était une composante essentielle du régime alimentaire.

Les coprolithes (excréments minéralisés, fossilisés) apportent des informations directes sur l'alimentation préhistorique.
Parmi 62 coprolithes analysés de tous types (34 humains, 16 de chiens domestiqués, et d'autres de divers animaux), 43 contenaient des grains d'amidon de maïs, des phytolithes, ou d'autres restes.
Sur les 34 coprolithes humains, 23 (soit 68 pour cent) contenaient des traces évidentes de maïs.

Les coprolithes ont également montré que les poissons, principalement les anchois, étaient la principale source de protéine dans l'alimentation.

Les chercheurs en ont conclu que la prévalence du maïs dans de multiples contextes et dans plusieurs sites indique que cette plante a été largement cultivée dans la région et constitue une partie importante du régime alimentaire local (elle n'a pas été utilisée uniquement lors de cérémonies par exemple).

La recherche confirme, en fin de compte, l'importance de l'agriculture pour supporter une base économique solide afin de permettre l'essor de sociétés complexes et centralisées.

Tous les travaux botaniques menées sur ce projet ont été réalisés au Laboratorio de Palinología y Paleobotánica at the Universidad Peruana Cayetano Heredia, sous la direction de Luis Huamán.


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