10.05.2017

Un manuscrit médiéval caché dans la reliure d'un ancien livre

Au milieu du 16ème siècle, un relieur a pris un parchemin, qui avait déjà des centaines d'années, et l'a utilisé pour relier un livre de poésie.

Ce parchemin est resté illisible pendant presque 500 ans, jusqu'à aujourd'hui, où grâce à des techniques d'imagerie de pointe, l'on peut lire à nouveau ses mots.

Marc Walton, devant le livre étudié. Photo: Northwestern

L'analyse du texte du sixième siècle a révélé que c'était un extrait du code de loi romain. Celui qui a relié le livre de poésie a probablement considéré le texte comme obsolète, car à ce moment-là, la société utilisait le code de l'église plutôt que les lois romaines, ont indiqué les chercheurs.


La découverte est remarquable,  car elle peut être utilisée pour aider à déchiffrer des textes sur d'autres parchemins utilisés comme matériaux de reliure.


Entre le 15ème et 18ème siècle, les relieurs recyclaient de façon routinière des parchemins médiévaux afin de les utiliser comme reliure pour des livres neufs et imprimés.

Les spécialistes connaissent depuis longtemps cette pratique, mais bien qu'ils étaient intéressés par les textes écrits sur ces vieux parchemins, ils étaient incapables de les lire.

"Pendant des générations, les érudits pensaient que cette information était inaccessible, aussi ils pensaient "à quoi bon s'ennuyer ?" rapporte Marc Walton, scientifique au Centre pour les Etudes Scientifiques dans les Arts à l'Université Northwestern de Chicago (NU-ACCESS), "mais maintenant l'avancée de l'imagerie informatique et du traitement du signal apporte une toute nouvelle façon de lire ces textes".

Le livre lui-même est une copie de 1537  de "Les travaux et les jours" du poète grec Hésiode, un écrivain qui a probablement vécu pendant la même période qu'Homère.

L'Université de Northwestern a acheté le livre en 1870, et la copie est actuellement la seule impression avec sa liaison parcheminée originale.

Au début, seule la reliure a attiré l'attention des chercheurs. Ensuite, ils ont commencé à se poser des questions sur le texte écrit sur le parchemin dans la reliure. Mais une inspection plus approfondie a montré que le relieur avait tenté d'enlever le texte, probablement par lavage ou grattage du parchemin.

Heureusement, deux colonnes d'écriture fantôme sont restées, ainsi que des commentaires en marge. "L'encre est sous le parchemin dégradé, on peut donc commencer à voir l'écriture" rapporte la chercheuse principale Emeline Pouyet de L'université Northwestern, "c'est par là que l'étude analytique a commencé".


Plusieurs techniques essayées avant de trouver la bonne.


Walton et Pouyet ont essayé une technique d'imagerie hyperspectrale à lumière visible, une méthode qui identifie la gamme spectrale pour chaque pixel d'une image, pour faire ressortir les mots; mais cela n'a fait que rendre le texte que légèrement plus clair, car le parchemin avait des irrégularités dégradées.

Ils ont donc essayé l'imagerie par fluorescence à rayons X, une technique qui fournit des données sur la composition de l'encre; mais cela n'a pas rendu le texte plus lisible.


Enfin, l'équipe a envoyé le livre au Cornell High Energy Synchrotron Source (CHESS) à Ithaca, New-York, où de puissants rayons-X ont complètement révélé le texte et les commentaires en marge.

Lorsque les chercheurs ont envoyé les résultats pour étude au chercheur Richard Kieckhefer, professeur de religion et d'histoire à l'Université Northwestern, ce dernier a annoncé que c'était un code de loi romain avec des notes référençant la loi canonique de l'église.

Il est possible que ce parchemin était à l'origine utilisé dans un cadre universitaire où les élèves étudiaient la loi romaine comme base pour la compréhension de la loi canonique, une pratique courante au moyen âge.


Les prochaines étapes.


On ne peut envoyer cependant tous les livres rares hors site pour une analyse au CHESS. Aussi, en utilisant une machine apprenant l'algorithme, les chercheurs, aidés des professeurs Aggelos Katsaggelos et Oliver Cossairt de l'Electrical Engineering and Computer Science de l'Université de Northwestern, ont trouvé une meilleure façon d'imager les parchemins comme celui-ci.

Plutôt que d'utiliser une seule technique, c'est une combinaison de deux (l'imagerie hyperspectrale visible et la fluorescence à rayons X) qui a donné les meilleurs résultats. "En combinant les deux modalités, nous avions les avantages de chacune des deux" explique Katsaggelos, "nous avons pu lire avec succès ce qu'il y avait à l'intérieur de la couverture du livre".

L'équipe cherche maintenant à déchiffrer un autre parchemin. "Nous avons développé les techniques" dit Walton, "maintenant, nous pouvons aller dans les collections des musées et étudier beaucoup plus de ces manuscrits recyclés et révéler l'écriture cachée à l'intérieur."

L'étude a été publiée dans le journal Analytica Chimica Acta: "Revealing the biography of a hidden medieval manuscript using synchrotron and conventional imaging techniques"


Relecture par Digitarium.fr
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2 commentaires:

Anonyme a dit…

Algorithme (sans y).

Merci pour l'article sinon :-)

J.Lassalle a dit…

Bonjour,

Merci pour la remarque, cela a été corrigé !

Algorithme nous vient en effet de la langue arabe, du nom d'un mathématicien perse, alors que rythme (mot avec lequel j'ai fait un mélange) nous vient du grec ruthmos.