7.03.2010

Allemagne: le mystère des aristocrates momifiés

Une fois morts, les familles nobles de l'Allemagne du 18e siècle se faisaient, comme les égyptiens, momifier.
Etant donné qu'un nombre croissant de ces cadavres bien conservés sont découverts, les scientifiques tentent d'en comprendre les raisons.


Pendant la guerre de Trente Ans, le Baron von Holz a combattu dans l'armée suédoise en tant que mercenaire, cependant il n'a pas eu une mort héroïque sur le champ de bataille: Il est décédé à l'âge de 35 ans soit de la grippe ou d'un empoisonnement du sang. Et c'est une fois mort, que sa situation s'est réellement améliorée...
Sa famille a habillé sa dépouille mortelle de ses précieuses bottes en cuir de veau, avec des semelles à clous.

Le guerrier a ensuite été mis dans une sorte de crypte de luxe sous le château de Sommersdorf près de Ansbach, en Bavière.

Dans ce caveau, le cadavre de Von Holz a été privilégié en bénéficiant du même honneur réservé aux pharaons égyptiens: la momification.


Plus de 370 ans après sa mort prématurée, le noble se trouve toujours dans son cercueil, bien conservé. Von Holz était un homme très grand, 1,80 mètre, à une époque où la plupart des hommes étaient plus petits. A ce jour, ses pieds sont encore chaussés de ses bottes en cuir que son clan lui avait fait, il y a près de quatre siècles.




Pour la première fois, le cadavre a récemment quitté son lieu de sépulture car les archéologues des Reiss Engelhorn Museums de Mannheim s'intéressent de près à la momie.
Il est rapidement apparu que "le baron vêtu de bottes" n'avait pas de blessures externes et il semble avoir été en excellente santé avant d'avoir contracté son infection mortelle. Ce qui reste peu clair, c'est pourquoi le corps du soldat aristocrate a été momifié.


Seule une poignée de scientifiques prennent une part active dans l'étude de ces corps momifiés, qui sont récupérés dans les landes marécageuses ou bien les caves voûtées d'Allemagne.
Chaque mois, un baron ou un prêtre, contacte l'archéologue Wilfried Rosendahl pour lui annoncer la découverte d'un corps momifié dans son château ou dans son église paroissiale.


Confronté à un nombre sans cesse croissant de nouvelles découvertes, Rosendahl avoue que: «Nous sommes plus familiers avec l'histoire des momies égyptiennes que les corps qui sommeille dans nos tombes."


Il y a tout juste quelques semaines, le chercheur a découvert les corps superbement préservés de 12 membres d'une famille aristocratique dans le district d'Illereichen dans le sud de l'Allemagne.


Pourquoi la noblesse allemande s'interressait-elle à la momification?

Andreas Strobl, collègue de Rosendahl, examine actuellement les restes d'un noble d'un clan du 18e siècle qui a été enterré dans une cave dans l'église de saint Jean-Baptiste, à Hanovre.

«Nous savions que ces cryptes d'aristocrates existaient, mais pendant longtemps on ne savait pas pourquoi », admet Strobl.


Environ 1.000 cadavres momifiés dans les tombes des nobles allemands ont été découverts et catalogués à ce jour.

Ces sépultures contiennent des enfants aussi bien que des adultes; leurs vêtements sont parfois encore en remarquablement bon état. Souvent, les tombes contiennent aussi des objets de sépulture: des peignes, des épices, des pièces de monnaie, et dans un cas, un blaireau.


Le nombre surprenant de tombes contenant des restes momifiés a conduit les chercheurs à la conclusion que ce n'était pas aléatoire.

"Pendant longtemps, j'ai cru que la momification tenait plus d'un corollaire accidentel provenant de la façon dont les gens avaient été enterrés à cette époque," explique Strobl.

Est-ce que les riches aristocrates de cette époque se sont délibérément fait enterrés de cette façon afin que leurs restes soient préservés?

Il y a peu de source matérielles, mais Ströbl a trouvé un éléments décisif: Dans une lettre, écrite en 1710, au conseil d'administration de l'église paroissiale de Berlin, une femme appelée Catharina Steinkoppen fait une demande pour sa petite-fille décédée. À savoir que «Le cadavre mentionné ne devrait pas se délabrer dans les caveaux de l'église."

Le père de la jeune fille a offert la somme imposante de 10 Reichsthalers, l'équivalent du salaire d'un an pour un cocher, pour ce service.


Un total de 140 corps momifiés se trouvent dans une crypte sous une église près de l'Alexanderplatz, dans le centre de Berlin.
Il était connu depuis un certain temps que c'était là le domaine exclusif des membres défunts de riches familles ou très respectées. ais le fait que les dirigeants religieux à Berlin aient délibérément mis en place le plus grand mausolée en Allemagne est une découverte plus récente.

Après la découverte de la requête de la grand-mère, les chercheurs ont examiné la crypte dans le centre historique de Berlin.

Ce qu'ils ont trouvé est un système de ventilation extrêmement efficace qui traversait la tombe.
Toutes les chambres funéraires étaient reliées entre elles par une série de petits puits. Ainsi, le cimetière souterrain était toujours bien ventilé.


En effet Rosendahl et Strobl ont trouvé d'ingénieux systèmes de ventilation,  même dans la plus petite de ces tombes.

Mais ce n'était pas la seule astuce qui a favorisé la momification.

Le croque-morts emplissaient les cercueils des défunts avec de la sciure qui absorbaient tous les fluides s'écoulant de l'organisme.

Au cours du temps cependant, la plupart des sites d'enfouissement,  soigneusement créés, ont été détruits par des travaux de construction négligents. Plus d'une fois, des constructeurs peu méfiants ont muré d'importants puits de ventilation.

En outre, pour dissuader les pillards et les pilleurs de tombes de nombreuses églises ont boulonné les fenêtres de leurs cryptes. Une fois la ventilation transversale coupée, les momies ont commencé à pourrir en quelques semaines.

Mais les archéologues en sont encore à tenter d'expliquer pourquoi les gens riches se sont fait momifier.
Il y a, cependant, un élément à retenir: Jusqu'à 99 pour cent des cryptes contenant des momies ont été découvertes dans les régions du pays qui étaient protestantes. Les découvertes se sont faites jusqu'à présent en Franconie, Saxe, Thuringe, Brandebourg, nord de l'Allemagne et de Berlin.


Reiner Sörries, directeur du Musée de la culture funéraire à Kassel, a fait les premières tentatives pour expliquer le mystère.

Il pense que le religieux réformateur Martin Luther a pu déclencher le penchant pour la momification à l'époque moderne.

À titre de preuve, Sörries cite un passage dans le livre de Job que Luther avait traduit en allemand: «Je sais que mon rédempteur est vivant, et qu'à la fin, il reviendra sur la terre. Et après que ma peau ait été détruite, dans ma chair cependant, je verrai Dieu. "
Peut-être que de riches protestants ont choisi cette méthode de momification, de peur qu'ils ne puissent pas se lever et aller au ciel si leur dépouille mortelle pourrissait ?

"Il y a encore de nombreuses lacunes que nous ne pouvons pas remplir", admet Sörries. "Il est concevable que les gens voulaient simplement jouer la sécurité et préserver leur corps jusqu'au Jour du Jugement."

Quelle que soit la réponse, la superstition a sans aucun doute joué un rôle.
Les familles endeuillées ont souvent scellé les cercueils de leurs proches déjà partis pour empêcher les morts de se lever. On craignait que les zombies puissent sortir de leurs cryptes et attaquer les vivants.

Le groupe de chercheurs travaillant avec Sörries, Rosendahl et Ströbl veut maintenant examiner de plus ce curieux rite d'inhumation. 
Cela implique des recherches sur la manière dont les morts momifiés ont réellement vécu.

En utilisant la tomographie par ordinateur, les chercheurs ont construit une image du visage de feu le baron von Holz. Partant de là, on voit que le grand guerrier a du avoir une figure particulière: Il avait le crâne angulaire d'un joueur de rugby et des dents remarquablement saines pour l'époque.
Ströbl espère pouvoir aborder de la même façon un cas potentiellement criminel qu'il a déniché dans un tombeau familial dans le quartier Wettenbergen à Hanovre: il contient essentiellement des membres de deux familles de l'aristocratie, von Hansing et von Grone.
Curieusement, quatre filles dans l'une des familles sont mortes sur quatre années consécutives.
Ont-elles été victimes d'un virus dans leur jeunesse? Ou était-ce un cas de meurtre?

Une analyse des organes internes des quatre filles devrait fournir des informations qui pourraient répondre à cette question.

Un autre aspect fascinant de cette époque révolue est fourni par 29 momies très bien conservées dans un caveau de l'église de l'abbaye bénédictine de la ville de Riesa, dans la Saxe.

Les experts considèrent que la crypte de l'église est un témoignage historique unique de la momification en Allemagne.

Le site est unique pour le regard qu'il fournit sur les costumes d'époque portés par les citoyens aisés.

Une jeune fille, par exemple, est vêtue d'une robe de soie parfaitement conservée et a un bonnet sur la tête. D'autres corps étaient ornés de bonnets de nuit, de bonnets pointus, et de longues robes.


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