2.09.2020

Des tombes mycéniennes exceptionnelles découvertes en Grèce

Jack Davis et Sharon Stocker, archéologue à l'Université de Cincinnati, ont trouvé l'année dernière deux tombes en forme de ruche à Pylos, en Grèce. Ils étaient alors en train d'enquêter sur la zone autour de la tombe d'un individu appelé le «Guerrier Griffon», un homme grec dont ils ont découvert le dernier lieu de repos à proximité en 2015.

Des tombes mycéniennes exceptionnelles découvertes en Grèce
Vue aérienne du site. Photo: UC Classics

Tout comme la tombe du Guerrier Griffon, les tombes princières surplombant la mer Méditerranée contenaient également une multitude d'artéfacts culturels et des bijoux délicats qui pourraient aider les historiens à combler les lacunes dans notre connaissance de la civilisation grecque ancienne.

L'équipe de l'U.C. a passé plus de 18 mois à fouiller et documenter la découverte.


Les tombes étaient jonchées de paillettes de feuilles d'or qui tapissaient autrefois les murs.


"Comme pour la tombe du Guerrier Griffon, a la fin de la première semaine nous savions que nous avions fait une découverte vraiment importante" dit Stocker qui a supervisé les fouilles.

Le nom du Guerrier Griffon vient de la créature mythologique, mi-aigle, mi-lion, gravée sur une plaque d'ivoire dans sa tombe. Celle-ci, contenait aussi une armure, des armes et des bijoux en or.

Parmi les précieux objets d'art, il y avait un sceau en pierre sculptée représentant un combat à mort avec des détails si fins que le magazine Archaeology l'avait salué comme un «chef-d'œuvre de l'âge du bronze» (voir à ce sujet l'article de 2017: " Un sceau sculpté se révèle être un chef d'œuvre d'art Minoen").

Les objets trouvés dans les nouvelles tombes princières racontent des histoires similaires concernant la vie méditerranéenne il y a 3500 ans.

Un anneau en or représente deux taureaux flanqués de gerbes de céréales, identifiées comme de l'orge par un paléobotaniste consultant sur le projet. Selon David "C'est une scène intéressante d'élevage (du bétail mélangé à la production de céréales). C’est le fondement de l’agriculture. D'après ce que nous savons, il s'agit là de l'unique représentation de céréales dans l'art crétois ou civilisation minoenne."

Un anneau en or représente des taureaux et de l'orge, la première représentation connue d'animaux domestiques et d'agriculture dans la Grèce antique. Photo: UC Classics

Tout comme la tombe du Guerrier Griffon, les deux tombes contenaient des œuvres arborant des créatures mythologiques. Un sceau en agate représente deux créatures ressemblant à des lions, appelées génies, debout sur leurs pieds griffus. Elles portent un vase de service et un brûleur d'encens, en hommage à l'autel devant elles avec un jeune arbre entre les cornes de consécration. Au-dessus des génies il y a une étoile à 16 branches.

Cette même étoile apparait sur un objet en bronze et en or dans la tombe. "Cela est rare. Il n'y a pas beaucoup d'étoiles à 16 branches dans l'iconographie mycénienne. Le fait que nous ayons deux objets avec cette étoile sur deux différents supports (bronze et or) est remarquable" dit Stocker. Elle ajoute que le motif du génie apparait ailleurs en Orient à cette période: "le problème est que nous n'avons pas d'écrits de l'époque minoenne ou mycénienne parlant de leur religion ou expliquant l'importance de leurs symboles".

Le sceau et une reproduction en mastic (droite). Photo: UC Classics

L'équipe a aussi trouvé un pendentif en or à l'effigie de la déesse égyptienne Hathor. "Cette découverte est particulièrement intéressant d'après le rôle qu'elle a joué en Egypte comme protectrice des morts" a dit David.


L'identité du Guerrier Griffon fait l'objet de spéculation.


Stocker pense que la combinaison de l'armure, des armes et des bijoux trouvés dans sa tombe indiquent fortement qu'il avait une autorité religieuse et militaire. Probablement comme un wanax: un roi tribal, seigneur ou chef militaire dans les derniers temps mycéniens.

De même, les tombes princières brossent un tableau de la richesse et du statut accumulés. Elles contiennent de l'ambre de la région Baltique, des améthystes d'Egypte, de la cornaline importée et beaucoup d'or. Les tombes se trouvent sur une vue panoramique surplombant la mer Méditerranée à l'endroit où le palais de Nestor verrait le jour plus tard, avant de tomber en ruines par la suite.

"Je pense que c'était probablement des gens qui étaient très sophistiqués pour leur époque" dit Stocker, "Ils sont sortis d'un moment de l'histoire où il y avait peu d'objets de luxe et de marchandises importées. Et tout d'un coup avec les premières tombes à Tholos, des objets de luxe apparaissent en Grèce. Vous avez cette explosion de richesse. Les gens se disputent le pouvoir. Ce sont les années de formation qui donneront naissance à l'âge classique de la Grèce."

"Les antiquités prouvent que la côte de Pylos était autrefois une destination importante pour le commerce. Si vous regardez une carte, Pylos est aujourd'hui dans une région reculée. Il faut traverser les montagnes pour y aller. Jusqu'à récemment, cela n'était même pas marqué sur les routes touristiques" ajoute-t-elle, "Mais, si vous venez par la mer, le lieu a plus de sens. C'est sur la route vers l'Italie. Ce que nous apprenons, c'est que c'était un endroit beaucoup plus central et important sur la route commerciale de l'âge du bronze".


Les tombes princières se situent près du palais de Nestor, un seigneur mentionné dans le fameux récit de Homère, l'Iliade et l"Odyssée.


Le palais a été découvert en 1939 par l'ancien professeur de l'UC, Carl Blegen. Il avait voulu fouiller, dans les années 1950, le champs où Davis et Stocker ont trouvé les nouvelles tombes, mais il n'avait pas eu la permission du propriétaire de l'époque. Les tombes ont donc attendues plusieurs années avant qu'une autre équipe de l'UC fasse la découverte surprenante cachée sous les vignes.

Les fouilles du site ont été particulièrement ardues. Les retards dans l'acquisition du site ont forcé les chercheurs à reporter les plans pour étudier l'endroit d'abord avec un radar à pénétration de sol.  

Stocker et Davis ont donc dû se fier à leur expérience et leur intuition pour se concentrer sur une zone non perturbée du site. "Il y avait des concentrations notables de roches à la surface une fois que nous nous sommes débarrassés de la végétation" dit-elle. Celles-ci se sont avérées être les couvertures exposées de tombes profondes, l'une étant à plus de 4 mètres. Les tombes étaient protégées des éléments et des voleurs potentiels par environ 40 000 pierres de la taille de pastèques. Les rochers étaient restés intacts pendant des millénaires avant de tomber lorsque les dômes des tombes se sont effondrés.

Et aujourd'hui, 3500 plus tard, l'équipe de l'UC a dû enlever chaque pierre une par une. "C'était comme revenir à la période mycénienne. Ils les avaient placés à la main dans les murs des tombes et nous les sortions à la main", a dit Stocker. "C'était beaucoup de travail."

A chaque étape des fouilles, les chercheurs ont utilisé la photogrammétrie et la cartographie numérique pour documenter le site et l'orientation des objets à l'intérieur des tombes. "Cela est particulièrement important en raison du grand nombre d'artéfacts qui ont été récupérés", a déclaré Davis, "nous pouvons voir tous les niveaux au fur et à mesure que nous les mettons au jour et pouvons les relier les uns aux autres en trois dimensions".

L'équipe d'UC continuera à travailler à Pylos pendant au moins les deux prochaines années, tandis qu'elle-même et d'autres chercheurs du monde entier découvriront les mystères contenus dans les artéfacts. "Cela fait 50 ans qu'aucune tombe importante de ce genre n'a été trouvée sur un site palatial de l'âge du bronze. Cela rend la découverte extraordinaire", estime Davis.

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