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11.24.2025

Une nouvelle théorie radicale apporte un nouvel éclairage sur un mystère nord-américain vieux de 3 500 ans

Une réinterprétation novatrice de Poverty Point, l'un des sites archéologiques les plus emblématiques d'Amérique du Nord, remet en question des idées reçues sur les peuples qui ont bâti ses imposants monuments de terre il y a 3 500 ans. 

Une nouvelle théorie radicale apporte un nouvel éclairage sur un mystère nord-américain vieux de 3 500 ans 
Crédit photo de couverture: Monticule A à Poverty Point. Wikipédia
 

De nouvelles recherches menées par l'Université Washington de Saint-Louis suggèrent que ce vaste complexe du nord-est de la Louisiane n'était pas l'œuvre d'une hiérarchie rigide ou d'une classe dirigeante puissante, mais plutôt un lieu de rassemblement collaboratif pour des groupes de chasseurs-cueilleurs égalitaires, unis par des obligations rituelles communes.

Situé le long du fleuve Mississippi, Poverty Point est célèbre pour ses ouvrages de terrassement monumentaux, notamment ses crêtes concentriques et ses tertres imposants qui dominent encore le paysage. L'ampleur de la construction a toujours stupéfié les chercheurs. 

Sans chevaux, sans roues, sans infrastructure agricole, les bâtisseurs de l'Antiquité ont transporté et façonné l'équivalent de 140 000 chargements de camions-bennes de terre; un exploit extraordinaire qui a intrigué les archéologues pendant des décennies. 

 

Une remise en question du modèle traditionnel de hiérarchie sociale

Pendant de nombreuses années, les chercheurs ont cru que seule une société stratifiée (une chefferie dotée de chefs capables de contrôler la main-d'œuvre) pouvait organiser un travail d'une telle ampleur. Cette hypothèse reposait en grande partie sur des comparaisons avec le site archéologique de Cahokia, plus tardif, situé dans l'actuel Illinois, où une hiérarchie politique claire existait plus d'un millénaire après Poverty Point.

Cependant, de nouvelles études menées par l'anthropologue T.R. Kidder contestent cette interprétation. Publiées dans la revue Southeastern Archaeology et co-écrites avec Olivia Baumgartel, doctorante, et l'archéologue Seth Grooms, ces recherches démontrent que Poverty Point n'était ni un village permanent, ni un centre politique centralisé. Au contraire, les indices suggèrent qu'il s'agissait d'un lieu de rassemblement périodique où des milliers de personnes se réunissaient pour commercer, construire, célébrer et participer à des rituels communs.

D'après Baumgartel, le tableau qui se dessine est celui d'une communauté définie non par des rangs sociaux, mais par un objectif collectif : « Nous pensons qu'il s'agissait de chasseurs-cueilleurs égalitaires », précise-t-elle. « Il n’existe aucune preuve archéologique de chefs dirigeant leur travail. »

 

Un carrefour de liaisons à longue distance

Les artéfacts découverts sur le site révèlent un remarquable réseau d'interactions s'étendant sur une grande partie de l'est de l'Amérique du Nord. Des milliers de boules de cuisson en argile, des cristaux de quartz des monts Ozarks, de la stéatite de la région d'Atlanta et des ornements en cuivre provenant des environs des Grands Lacs témoignent d'un commerce et de voyages importants.

 
Principales caractéristiques de Poverty Point, dans le nord de la Louisiane. Les six crêtes en forme de C (orange) se situent sur la crête de Macon, près de la plaine inondable du Mississippi (vert). Les zones plus claires indiquent des sols probablement extraits pour la construction des monticules. Crédit : Université Washington de Saint-Louis.

Ces objets montrent que Poverty Point n'était pas isolé, mais profondément lié à des communautés éloignées. La diversité des artéfacts conforte l'interprétation du site comme un lieu de rassemblement cérémoniel, un endroit visité par des groupes convergeant de régions éloignées pour partager des expériences culturelles.

Une dimension spirituelle au cœur de la construction

L'un des indices les plus significatifs étayant cette nouvelle théorie réside dans ce que les archéologues n'ont pas trouvé. Malgré des décennies de fouilles, aucune trace d'habitation permanente n'a été mise au jour : ni cimetières, ni maisons importantes, ni activité domestique continue. Ces absences suggèrent fortement que Poverty Point n'était pas un lieu d'habitation permanent.

Kidder et son équipe suggèrent que ces imposants terrassements servaient d'offrandes spirituelles à une époque où les conditions environnementales étaient imprévisibles. Le Sud-Est ancien était sujet à des inondations dévastatrices et à des phénomènes météorologiques extrêmes. En réaction, les communautés ont peut-être construit des structures monumentales, accompli des rituels et déposé des objets précieux afin de rétablir l'équilibre et de maintenir l'harmonie avec leur environnement.

Cette perspective a été renforcée par des échanges avec des communautés amérindiennes, notamment des membres de la tribu Lumbee, dont fait partie Seth Grooms, co-auteur de l'étude. Ces discussions soulignent l'importance de comprendre les visions du monde autochtones, qui mettent souvent l'accent sur la responsabilité collective et l'équilibre cosmologique plutôt que sur le gain économique.


Réécriture de la chronologie régionale

L'équipe de l'Université Washington a également examiné deux sites connexes, Claiborne et Cedarland, dans l'ouest du Mississippi. Bien que ces sites aient été endommagés au fil du temps, des artéfacts archivés ont permis de nouvelles datations au radiocarbone. Les résultats ont révélé que Cedarland est antérieur à Poverty Point d'environ 500 ans, ce qui lui confère une histoire culturelle distincte.

Cette découverte contribue à clarifier la chronologie des sites voisins et offre une image plus précise de la circulation des matériaux et des idées dans la région. Comme le souligne Baumgartel, l'attribution d'une chronologie propre à chaque site permet aux chercheurs de reconstituer les réseaux plus vastes qui ont façonné les premières sociétés nord-américaines.

Des outils modernes et des connaissances ancestrales

Afin d'affiner leurs connaissances, Kidder et Baumgartel ont rouvert plusieurs fosses initialement creusées dans les années 1970. Grâce à des techniques de datation actualisées et à la microscopie avancée, ils espèrent mettre au jour des traces subtiles passées inaperçues lors des précédents travaux de terrain.

Leur approche minutieuse témoigne du dévouement des bâtisseurs de l'Antiquité. Chaque fragment de terre, chaque indice microscopique, rapproche les archéologues de la compréhension des motivations d'une communauté dont les créations monumentales continuent de susciter l'admiration.

Comme le souligne Kidder, l'esprit de collaboration qui a animé Poverty Point est peut-être son héritage le plus durable : un rappel que certaines des plus grandes réalisations du monde ne sont pas le fruit du pouvoir, mais d'une conviction partagée et d'un effort collectif.

Lien vers l'étude: 

5.24.2013

Poverty Point: de grands monticules construits en moins de 90 jours par les amérindiens


Le site de Poverty Point, en Louisiane, a été nominé en ce début d'année pour figurer sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESO.

Il est décrit comme l’un des plus grands exploits de construction, au monde, par une civilisation archaïque de chasseurs-cueilleurs.

De nouvelles recherches ont apporté des preuves irréfutables que l’un des massifs monticules de terre de Poverty Point a été construit en moins de 90 jours, voir peut-être en seulement 30 jours.

Il s'agit d'un accomplissement incroyable pour ce que l’on croyait être une société mal organisée, composée de petites bandes dispersées d'amérindiens...

Les co-auteurs de l'étude, Anthony Ortmann (debout) et T.R. Kidder (au centre) évaluent les fouilles du tertre A à Poverty Point. Photo: WUSTL


"Ce qui est extraordinaire dans cette étude c'est qu’elle montre que les premiers chasseurs-cueilleurs américains n’étaient pas aussi simplistes que nous avons tendance à l'imaginer", explique le co-auteur TR Kidder, professeur et directeur de l’Anthropologie des Arts et des Sciences à l’Université Washington à St. Louis, "nos résultats vont à l’encontre de ce qui a longtemps été considéré comme le consensus académique sur les sociétés de chasseurs-cueilleurs, à savoir qu’ils n’ont pas l’organisation politique nécessaire pour rassembler autant de gens afin de réaliser un projet de main-d’œuvre dans un délai aussi court. ”

Co-écrit par Anthony Ortmann, professeur adjoint des sciences de la terre à Murray State University, l’étude propose une analyse détaillée de la façon dont l'énorme monticule a été construit il y a quelques 3200 ans le long d’un bayou du Mississippi.

Sur la base de plus d’une décennie de fouilles, de carottages et d'analyses sédimentaires sophistiquées, l’apport clé de l’étude est que le monticule A de Poverty Point a été construit en un temps très court.
En effet, un examen exhaustif ne révèle aucun signe de pluie ou d’érosion au cours de sa construction.

"Nous parlons d’une région du nord de Louisiane qui a tendance à être très pluvieuse", explique Kidder. "Même dans une année très sèche, il semble très peu probable que cette situation puisse durer plus de 90 jours sans recevoir un certain niveau significatif de précipitations. Pourtant, le sol de ces monticules ne montre aucun signe d’érosion ayant eu lieu pendant la période de construction. De plus, rien n'indique une sécheresse dans la région à ce moment là."


Une partie de Poverty Point, le monticule A, est considéré comme la touche finale de ce site tentaculaire de 283 hectares.


Le site comprend cinq tertres plus petits et une série de six formes concentriques, comme des digues en forme de C, qui s’élèvent en formation parallèle autour d’une petite place le long de la rivière.

Au moment de sa construction, Poverty Point était un des plus grands chantiers de terrassement en Amérique du Nord.

Construit sur le bord ouest du complexe, le Monticule A couvre environ 50.000 mètres carrés à sa base et s’élève à 22 mètres au-dessus de la rivière. Sa construction a nécessité 238.500 mètres cubes (environ huit millions de paniers boisseau) de terre rapportée de différents endroits à proximité du site.

Il faudrait aujourd'hui, un gros camion benne et 31.217 chargements pour déplacer le même volume. "Les monticules de Poverty Point ont été construits par des gens qui n’avaient pas d'animaux de trait, ni de brouettes ou outils sophistiqués pour déplacer la terre", explique Kidder, "Il est probable que ces monticules ont été construits en utilisant le système de chaîne humaine, avec des milliers de gens se passant la terre mise dans une certaine forme de conteneur brut, comme un panier tressé, un sac de cuir ou un plateau en bois."

Pour compléter cette tâche en 90 jours, l’étude estime qu’il a du falloir l'équivalent de quelque 3.000 travailleurs.
En supposant que chacun d'entre eux été accompagné d’au moins deux autres membres de sa famille, une femme et un enfant, la communauté rassemblée pour la construction devait comprendre presque 9.000 personnes, suggère l’étude.

"Étant donné qu'une bande de 25-30 personnes est considérée comme très importante pour la plupart des chasseurs-cueilleurs, il est vraiment étonnant que cette ancienne société puisse avoir réuni un groupe de près de 10.000 personnes, tout en trouvant un moyen de les nourrir et de construire ce monticule en quelques mois", a dit Kidder.


Les tests confirment que le site a d’abord été défriché pour la construction par la combustion et rapidement recouvert d’une fine couche de limon argileux.
Un mélange de terres plus lourdes a ensuite été amené et déchargé en petits tas adjacents, construisant peu à peu le monticule couche après couche.

Comme le fait remarquer Kidder, les théories antérieures sur la construction de la plupart des monticules de terre dans le monde antique ont laissé entendre qu’ils ont été montés lentement sur une période de plusieurs centaines d’années. Cela impliquait de petites contributions de différentes personnes d'une société sur plusieurs générations.

Bien que cela puisse être le cas pour d’autres structures en terre, à Poverty Point, l'étude du Monticule A contredit cette théorie.

Kidder explique qu'à Saint-Louis, juste en face de la rivière Mississippi, repose l’une des anciennes structures de terre les plus connues d'Amérique, le tumulus des Moines à Cahokia.
Il note que le monticule a été construit de nombreux siècles après ceux de Poverty point par une civilisation qui était davantage tributaire de l’agriculture, bien loin du groupe de chasseurs-cueilleurs qui a construit Poverty Point.

Et pourtant, le Monticule A est beaucoup plus grand que n’importe quel autre tertre trouvé en Amérique du Nord. Seul le tumulus des Moines le dépasse.

«Nous avons pris conscience que le tissu social de ces sociétés devait être beaucoup plus fort et plus complexe que nous ne le supposions. Ces résultats contredisent la croyance populaire selon laquelle les personnes pré-agricoles étaient socialement, politiquement et économiquement simples et incapables de s’organiser en grands groupes pour créer une architecture complexe ou se livrer à ce qu’on appelle un comportement social complexe», explique Kidder, «le modèle dominant du chasseur-cueilleur ayant une vie désagréable, brutale et courte est en contradiction avec notre travail. Ces personnes pratiquaient un rituel ou une religion sophistiquée qui impliquait la construction de ces monticules monumentaux».


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